Le vrai champignon de Paris va t-il disparaître ?

undefined 15 février 2017 undefined 00h00

Olivia

Avec sa forme bien ronde, sa couleur bien blanche et sa chair bien douce, le champignon de Paris fait figure de favori au sein de nos cuisines. Mais comme son nom ne l’indique pas, celui que tu retrouves dans ton assiette est souvent loin de venir de Paname ou de sa région. C’est même presque devenu une exception. Alors que reste-t-il du vrai champignon de Paris ?  


Les champi des catacombes 

Cultivé depuis plus de deux siècles en France, le champignon de Paris, de son nom latin Agaricus Bisporus, fait partie de ces aliments qu'on affectionne particulièrement dans notre pays.

Popularisé à l’époque de Louis XIV, il mérite son appellation lorsque l’horticulteur Chambry en produit des tonnes dans les catacombes de Paris au XIXe siècle.

Mais cela fait belle lurette que le légume n’est plus cultivé dans Paris intramuros (le dernier poussera en 1895 sous la colline de Chaillot) pour cause de construction de métro. Et s'il y a encore 20 ans la France était le premier producteur mondial de ce légume, l’arrivée de la Hollande et de la Pologne sur le marché européen a tout chamboulé. 

champignon-paris©Champignonnière Des Carrières


Une technique ancestrale en voie d'extinction 

Le vrai champignon de Paris, c'est-à-dire celui cultivé dans les règles de l'art en France, est petit à petit devenu une exception. Alors qu’il y avait encore une trentaine de champignonnistes en Île-de-France il y a une vingtaine d’années, ils ne sont plus que cinq aujourd'hui dans la région, et 47 au total en France. En cause, un coût de production beaucoup trop élevé. « Nous n’avons pas eu les ressources nécessaires, on a croulé sous les charges au niveau de l’agriculture et au lieu de se développer, on est restés en arrière », m’explique Bruno Zamblera de la champignonnière de La Marianne, dans le 95, une des dernières d’Île-de-France. 

Résultat, la production industrielle s'est développée en Europe - aux Pays-Bas et en Pologne notamment - au détriment de la technique ancestrale, c'est-à-dire la culture souterraine. Issu d’une famille de champignonnistes (quatre générations dans cette voie), Bruno perpétue la tradition sur son tracteur des années 50 (faute de moyens) mais en tant que deuxième activité. « C’est une exploitation de solidarité » me confie-t-il.  

champignon-brunoBruno Zamblera, un des derniers champignonistes en Île-de-France

Parmi cette poignée de survivants ayant à cœur de conserver la véritable culture du champignon de Paris, on retrouve Angel Moioli, élevé dans une famille de champignonnistes et producteur de champignons depuis son plus jeune âge. « Le travail en cave, c’est un peu particulier, il ne faut pas avoir peur d’être sous terre, on est toujours enfermé, c’est une habitude » m’explique-t-il, de sa carrière à Evecquemont dans les Yvelines.

« On travaille en cave parce qu’on arrive à contrôler les températures, les aérations et les taux d’humidité, c’est pour ça qu’on cultive le champignon de Paris toute l’année car on arrive à avoir la même température. »

 

Le secret du vrai champignon de Paname 

Aux Pays-Bas et en Pologne, les champignons sont produits en masse, dans des immenses serres, où tout est informatisé, le tout avec une main d’œuvre moins chère. Le secret du véritable champignon de Paris comparé à celui cultivé dans un hangar ? Il sera certes un peu plus cabossé, d’un blanc un peu moins immaculé, mais lui au moins, aura du goût.

« Le champignon c’est un filtre, ça respire et ça garde les odeurs d’où ça pousse », me raconte Angel. Celui cultivé sous terre prendra donc le goût de « l’odeur de l’humidité, de la pierre de taille, du fumier ».  

Le véritable champignon de Paris est ainsi cultivé dans une carrière, avec un bon compost, on l'ensemence puis on le laisse pousser. « Notre champignon sera un peu plus gros, un peu déformé, mais c’est un champignon en cave qui a pris son temps », précise Angel.  


La solution pour survivre : se tourner vers le bio

Les grossistes se sont tournés vers la concurrence, moins chère, afin d'obtenir plus de marge. Dans ce contexte, les petits champignonnistes ont dû trouver des alternatives. Comme se diversifier en cultivant des pleurotes et des shiitakes comme Angel, en se tournant vers le bio, comme Bruno, et surtout en travaillant avec les AMAP (Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne). 

« Les petits commerçants commencent à en avoir marre de vendre des produits polonais sans goût », explique Angel. « Et depuis un an ou deux, les gens reviennent nous voir. »

Mais ce retour vers la culture de proximité ne concerne « qu’une infime partie de la population », selon Bruno. Car le "consommateur lambda" n’est pas forcément prêt à payer plus cher, « d'autant qu'on est arrivés au maximum des gens en région parisienne qui s’intéressent aux circuits courts », déplore-t-il. 

Quand on y pense, c'est vrai qu'on reste assez nombreux à être frileux quand il s'agit de dépenser un peu plus de sous pour un légume qui vient près de chez nous. Mais si on y regarde d'un peu plus près, la différence de prix entre le champignon industriel et celui de la cave n'est pas si importante quand on le retrouve sur l'étalage. A titre d'exemple, le prix moyen d'un kilo de champignons de Paris produits en France te coûtera environ 2,90€ contre 2,25€ pour celui qui vient de Pologne. De quoi nous donner à réfléchir la prochaine fois qu'on ira au marché...