De Dracula à Buffy : Vampires, l'expo qui a du mordant

undefined 14 octobre 2019 undefined 19h44

Manon Merrien-Joly

Du Moyen-Âge à la Génération Z, de Nosferatu à Twilight, de la créature sauvage assoiffée de sang au vampire sociable et sexy : la Cinémathèque retrace plusieurs siècles de vampires au cinéma, dans la littérature, la peinture, la photographie ou la série télé. L'expo est à découvrir jusqu'au 19 janvier prochain, entre le kitsch et le mystique, on vous raconte pourquoi il faut absolument y tendre le cou. 

Cabinet de curiosités pop

Au centre de l'exposition, deux histoires parallèles se croisent. D'une part, la naissance du vampire, issu des tréfonds du Moyen-Âge dans le Dracula de Bram Stoker, publié en 1897 où le comte, un vampire immortel se nourrit du sang des vivants et peut les transformer en créature démoniaque. D'autre part, son interprétation par le cinéma, qui émerge à la fin du 19e siècle. Le comte Dracula, comme ses successeurs, traverse les générations pour rappeler à l'Homme ce qu'il a de plus pulsionnel dans son rapport au sexe, à la folie, et à la mort : une icône dark par excellence. 

 Catalogue Vampires © : Nosferatu, un film de Werner Herzog. Production Gaumont (France) / Werner Herzog Filmproduktion (Allemagne), 1979. 

Ainsi, de salle en salle, on découvre ou on se remémore les grandes figures vampirisantes et leurs personnalités changeantes : Nosferatu le vampire (très largement inspiré de Dracula) de Friedrich Murnau, Grace Jones dans Vamp de Richard Wenk (1986), des personnages de la série True Blood(2008-2014), de Tilda Swinton et Tom Hiddleston dans Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch (2014). 

 Only Lovers Left Alive © Pandora Film - Exoskeleton Inc.

Saluons le grand nombre d'extraits de films devant lesquels on reste fasciné avant d'avancer encore, et de ressortir avec une watchlist longue comme le bras, si l'on ne s'est pas confortablement installé dans les fauteuils moelleux qui nous enveloppent. Aussi, la multiplicité des oeuvres présentes, entre une toile de Basquiat, des costumes ayant été portés sur des tournages et les nombreux supports historiques complètent le parcours. 


De l'ennemi politique au fantasme sensuel

Le vampire n'est pas qu'un monstre fantastique sanguinolant, semble vouloir dire le cinéma dès les années 1915 : il est le symbole d'une société économiquement et politiquement gangrénée, et portera le nom d'un gang, dans "Les Vampires" de Louis Feuillade, où une bande de criminels sème la zizanie dans le Paris précédant la Première Guerre Mondiale. 

 Les Lèvres rouges, Harry Kümel, 1971. Photo : Virginia Haggard Leirens / Tous droits réservés 

Espion communiste, capitaliste véreux, drogué des bas-fonds contemporains, gourou hors-la-loi ou marginal, le vampire sort de son cercueil et descend de son manoir pour s'intégrer aux humains et se mettre au service d'une idéologie, qu'elle soit progressiste ou réactionnaire, symptôme d'un état du monde violent et sombre. Passant les affiches de film kitchissimes, la figure politique se mue en fantasme sexuelDu vampire phallocrate séducteur à la vampiresse lesbienne, le cinéma donne vie et sensualité au personnage. Soulignons en particulier le Dracula de Coppola (1992), tourné intégralement en studio, se focalisant sur l’amour fou, intemporel et dévastateur, entre Dracula (Gary Oldman) et Mina (Winona Ryder).

 Les Prédateurs, Tony Scott, 1983 © Warner

L'exposition s'achève sur les représentations du vampire dans la pop culture, dès les années 1990 (oui, on y voit Buffy contre les vampires) : la salle, truffée de BD et comics, propose de se (re)plonger dans les séries américaines pour ados ultra-cheesy ou les teen movies comme Twilight qui ont éveillé les premiers émois amoureux. Le vampire ne souhaiterait-il pas lui aussi accéder au bonheur pour l'éternité, plus longue pour lui que pour nous ? 

"Une expo très belle dans sa forme et dans son fond, une première dans son genre", a commenté Jacques Sirgent, vampirologue, spécialiste de la littérature anglo-saxonne. Nous avions rencontré celui qui signe la seule traduction intégrale du “Dracula” de Bram Stoker pour une visite du Père Lachaise en février dernier. Précisons que dans le cadre de l'exposition, Sirgent a prêté à la Cinémathèque la première édition de la traduction française de Dracula, datant de 1919, plusieurs dictionnaires, une dizaine de BD rares dont la première adaptation du roman de Stoker. 

On navigue entre vampires historiques, poétiques, politiques, érotiques et pop, assistant à sa transformation et au fantasme qu'il incarna en son temps, témoin d'une époque et de ses ennemis. Fantasmé, craint ou haï, le vampire n'en finit pas d'exercer son enivrante fascination sur le commun des mortels. 

Pour prolonger l'exposition, rendez-vous aux multiples projections présentées en parallèle, à découvrir ici

Exposition Vampires, de Dracula à Buffy
La Cinémathèque Française
51, rue de Bercy - 12e
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