Persona Grata : l\'expo qui questionne la notion d’hospitalité et de rejet

undefined 10 décembre 2018 undefined 14h40

Jeanne Gourdon

Le Musée national de l'histoire de l’immigration et le Musée d’art contemporain du Val-de-Marne s’unissent pour une exposition : Persona Grata. Entre histoire et art, la frontière est ténue. C’est cette faille qui est mise à l’honneur ici.


On ne peut plus passer à côté de ce qu’on appelle à tort ou à raison "la crise migratoire". Arrivées, départs, déplacements, nomades, sédentaires, ce sont tous ces aspects du flux de personnes qui sont contés au fil des œuvres. Les deux présentations de l'exposition sont complémentaires.

D’un côté le Musée de l'histoire de l’immigration, qui retrace depuis 1931 l’histoire, dans un premier temps des colonies, puis celle de la France d’outre-mer, et depuis 2012, qui prend le nom qu’on lui connaît et s’attache à raconter l’histoire de la France, de ses colonies et de ses migrants.

De l’autre, le Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, qui est le seul musée à être exclusivement consacré à l’art français depuis les années 50. Guidé pas le désir d’humanisme, le musée s’emploie à transmettre les notions de respect mutuel et de cohésion sociale à travers des créations artistiques en tout genre.

Persona Grata représente l’histoire grâce à l’art contemporain sous toutes ses formes. Un voyage intemporel.

Xie Lei, Me and I, 2015, Huile sur toile, 186x146 - Photo © Courtesy de l'artiste 


El Dorado

Sur un mur noir, écrit en lettres de lumière, les deux mots qui s’inscrivent sur toutes les lèvres : El Dorado. C’est la première œuvre que l’ont peut découvrir quand on débarque au Musée de l’immigration, celle de Lahouari Mohammed Bakir. Ce sont ces mots qui ont poussé certains à quitter ou fuir leur pays natal. Imaginer être accueilli dans un pays d’abondance et de bienveillance. Au fil de l’exposition, on se rend compte du paradoxe entre le rêve et la réalité. La désillusion est de mise, les œuvres présentées, à l’image de la traversée, interpellent celui qui les regarde. Aucune création ne cherche la pitié, c’est plutôt la réalité des faits qui est représentée, parfois crue, parfois métaphorique, souvent critique.

Enrique Ramirez, La Casa, 2013, Vidéo couleur, son, verre gravé, cadre en bois collection MNHI, © Adgp, Paris, 2018

On découvre la difficulté de la traversée connue par tous et pourtant toujours le désir de partir, de s’enfuir. « Revenir à la vie en se jetant à l’eau sur un bateau de fortune. » Ce sont les mots de Fabienne Brugère et Guillaume le Blanc, philosophes à l’origine de l’exposition. Découvrons ces voyages vers le présumé El Dorado et ce qui en découle.


Persona Grata, Persona Non Grata

Persona grata : personne bienvenue ; Persona non grata : personne qui n’est pas la bienvenue. C’est ce paradoxe qui est mis en avant dans cette exposition. Accueillir et être accueilli. Alors que les murs s’érigent aux frontières, les actions citoyennes solidaires se font, à l’inverse, de plus en plus importantes. C’est cette ambivalence qui trouble celui qui atterrit dans l’inconnu. Un secours d’urgence est mis en place dans les pays d’accueil, mais peut-on vraiment parler d’une aide sur le long terme ? La Marianne en deuil pour non respect des droits des peuples de Ben, au MAC VAL, interpelle sur le rejet exprimé par les pays et la façon d’accueillir et de dépersonnifier ceux qui ont bravé vents et marées. Une façon de placer "l’étranger" en suspend au-dessus du monde.

Barthelemy Toguo, The new world’s climax III, 2001, 11 estampes, encre sur papier recyclé 100x68 cm, Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne ©Adagp, Paris, 2018
Pierre Huyghe, Streamside Day, 2003, Video projection, couleur, son, 26’28’’ + dessin mural, Collection MAC VAL - Musée d’art contemporain du Val-de-Marne ©Adagp, Paris, 2018


Anonymous

Pas vraiment d'ici, plus de là-bas. Pour certains qui sont cachés dans des tentes, sous des ponts, dans des "jungles", pour d’autres dans des grands ensembles froids et gris aux portes des villes, tous les moyens sont bons pour cacher la misère. « Les obsessions sécuritaires créent les hallucinations de l’étrange étranger », écrivent les deux philosophes. Telle une ombre errant au-dessus de la mer et des pays, le migrant, même présent depuis longtemps, n’est chez lui nulle part. L’œuvre Faciès Inventaire d’Hamid Debarrah redonne un visage à ces travailleurs immigrés qui vivent avec les souvenirs d’ailleurs. Des focus sur les objets du quotidien qui redonnent une vie aux personnes qui ont dû tout quitter.

Bruno Serralongue, Détail d'un abri dans le "bidonville d'état" pour migrants à Calais, jeudi 16 avril 2015, tirage sur jet d'encre sur papier Baryta, photographie collée sur aluminium, capot Altuglas, dimension 51x63,5cm (photographie), 50x62.5 (avec capot) édition 1/5 ©Courtesy de l’artiste et de Air de Paris

Multi-support, multimédia, multiculturelle, cette exposition fera appel à vos émotions mais aussi à votre sensibilité artistique. Entre rêve, réalité et paradoxe, vous vivrez LA traversée et repenserez votre rapport à l’autre. 


Persona Grata

Musée de l'histoire de l'immigration
MAC VAL
Du 16 octobre au 20 janvier 2019