L’expo Wu Tsang ou l'art du point de vue

undefined 21 octobre 2020 undefined 17h49

Jonas Kerszner

Depuis plus de dix ans, l’artiste
 américaine Wu Tsang crée des œuvres vidéos, des installations, des évènements et des performances. Ses films, maintes fois primés, associent les registres du documentaire, de la narration et du fantastique pour révéler des histoires individuelles et collectives dissimulées et marginalisées. C’est dans les décors de clubs queer historiques, de vaisseaux qui remontent le temps en mer de Chine méridionale ou encore de voyages mythiques sur l’île grecque de Lesbos que son œuvre se déploie. Wu Tsang réimagine les représentations racialisées et sexuées pour englober les perspectives multiples et changeantes à travers lesquelles nous faisons société.

Un parcours autour du point de vue

Cette fois, c’est à Lafayette Anticipations, fondation des Galeries Lafayette, que son œuvre a élu domicile. Wu Tsang y propose un parcours au travers de réflexions sur les valeurs portées par notre culture, s’emparant des perspectives et des points de vue, des rapports de force et de la solidarité, pour renouveler le regard porté sur les individus et sur la manière de faire société. Pour cette étrange et formidable exposition, l’artiste propose une expérience où la musique, la danse, l’architecture, le théâtre ou encore la performance sont autant de disciplines explorées pour célébrer la métamorphose et la fluidité de l’être. L’espace du film, un lieu flottant, se transforme et fait notamment apparaître les célèbres escaliers de Penrose, cet escalier en trompe-l’œil qui varie en fonction des perspectives et peut simuler un escalier infini, métaphore de la multiplicité des points de vue possibles et de la variété des réalités qui en découlent.


Pourquoi c’est cool

Le projet est construit autour de l’installation vidéo monumentale et inédite The Show is Over (2020), forme d’opéra en plusieurs tableaux dans lequel une communauté de danseurs évolue au rythme du texte Come on, get it ! de Fred Moten, poète et académicien afro-américain. Le film déploie les thèmes de la libération et de l’aliénation des êtres, incarnés dans une chorégraphie et une musique qui guident les trajectoires des performeurs et qui invoquent les héritages de l’Histoire liés à la blackness : les luttes, l’oppression, les rapports de pouvoir, mis en perspective avec la possible libération de chacun grâce à une relation renouvelée avec le monde. C’est une histoire de séparations, de fluidité, de la rencontre et de la perméabilité des matières, des états, et des corps… Et ça, c’est cool !


Focus sur l’artiste

Le travail de Wu Tsang est très souvent le fruit de collaborations, notamment en tant que co-organisatrice d'une boîte de nuit hebdomadaire appelée Wildness, qui a été un point de mire pour l’underground et l'activisme communautaire à Los Angeles. Installé dans un bar gay latino, le Silver Platter, Wildness a créé un espace libre où les clients de longue date, des personnes de couleur et des homosexuels, se sont mélangés à des artistes et des performeurs. Le long métrage de Tsang documente cette scène et la négociation perpétuelle des questions de race, de genre et de classe sociale entre les clients, qui se débattent avec les problématiques de gentrification, d'authenticité et de propriété. Le bar lui-même joue un rôle prépondérant dans le film, servant de narrateur omniscient et incarnant les actes créatifs et performatifs par lesquels la fiction culturelle se forme et s’exprime. L'artiste s’est largement fait connaître en 2012, grâce à ce film, qui a été présenté pour la première fois au MoMA’s Documentary Fortnight.

Wu Tsang
Lafayette Anticipations
9, rue du Plâtre – 4e
Du 21 octobre 2020 au 3 janvier 2021