Si tu voyais son cœur : de l\'obscurité surgit la lumière

undefined 12 janvier 2018 undefined 17h21

Louis Haeffner

Hanté par le souvenir de son meilleur ami mort accidentellement sous ses yeux, Daniel échoue dans un hôtel sordide dont le gérant est une brute épaisse dénuée du moindre humanisme. Au milieu de cette misère sociale, il tente de reprendre pied, et de payer la vie qu'il doit à sa communauté. La rencontre de la belle et fragile Francine va peut-être changer sa vie.


De la scène d'intro, superbe dans sa façon de sublimer les coutumes et l'esthétique presque rococo des mariages gitans, aux rues désertes des quartiers pauvres et reculés de Marseille où Daniel et ses comparses vivent d'arnaques à la petite semaine, la caméra de Joan Chemla prend le recul de celui qui se pose en observateur contemplatif et bienveillant, évitant avec soin le sensationnalisme d'un style réaliste pourtant attendu. Il faut dire que filmer la communauté gitane, la violence, la saleté, la vulgarité qu'on y associe, est un parti pris audacieux pour situer un premier film.

Avec beaucoup de sensibilité et grâce au talent de ses acteurs, la réalisatrice parvient à plonger le spectateur dans un environnement hostile qu'on appréhende pourtant vite avec tranquilité et résignation. On est comme envoûté, charmé par le cycle de malheur qui s'attache inlassablement au héros, accablé mais courageux, et l'on plonge avec fascination dans cette crasse comme un alpiniste est attiré par le vide. Tout est magnifiquement laid, froid et triste, mais cette ambiance permet de faire exploser la lumière et la véritable beauté de l'espoir, incarné par une Marine Vacth mutique et tremblante, d'une fragilité à fleur de peau et d'une beauté émouvante. 


Avec ce premier film en forme de ballade sombre et entêtante, Joan Chemla vise étonnamment juste et nous touche au cœur tout en faisant preuve d'une maîtrise et d'une maturité impressionnantes. Le casting est parfait, et Gael Garcia Bernal toujours aussi beau... « et encore, si tu voyais son cœur ! »