Don\'t Worry, He Won\'t Get Far On Foot, le feel good sans la niaiserie

undefined 9 avril 2018 undefined 13h02

Louis Haeffner

Gus Van Sant, voilà un nom qui nous met toujours l'eau à la bouche. Généralement plutôt original dans sa mise en scène, ou dans le thème de ses films, ou dans les deux, il lui arrive aussi de faire dans le plus conventionnel, ou même le carrément boring (son précédent film, Nos Souvenirs, est chiant comme la pluie). À quoi nous cuisine-t-il donc cette fois-ci ? 


Allez je vous le donne en mille : au whisky ! ou à tout autre alcool fort d'ailleurs, même si vodka et gastronomie ne font pas forcément bon ménage... Bref, cette (mauvaise) blague pour signifier que le film qui nous concerne parle d'alcoolisme, et plus précisément de celui de John Callahan, célèbre cartoonist tétraplégique à l'humour corrosif sévissant outre-Atlantique, décédé en 2010. On suit ainsi son long cheminement vers la sobriété, ponctué de coups d'éclat et de séances chez les alcooliques anonymes de Portland, dirigés par un jeune héritier richissime et magnétique incarné par un Jonah Hill bouleversant. 

Don't Worry He Won't Get Far On Foot film critique

Une fois n'est pas coutume, c'est par une mise en scène tout ce qu'il y a de plus classique et linéaire que Gus Van Sant nous propose d'habiller cette histoire, vraie, qui démarre par une chute de Callahan, lancé comme à son habitude à toute berzingue sur son fauteuil roulant. Cette première scène illustre à merveille la force de ce personnage, qui est de rire de tout : le racisme, la politique, la mort, et en premier lieu son propre handicap, hérité d'une soirée de beuverie avec son pote Dexter (un Jack Black avec moustache et favoris tout simplement parfait) terminée sans ceinture et sur le toit. Mais la dramaturgie et le pathos liés à cet accident n'intéressent que très peu le réalisateur d'Elephant ; c'est au contraire le lent processus de ré-humanisation au contact des autres AA qui semble devoir donner sa substance au film, et qui permet au réalisateur de donner ce ton tragi-comique si juste à son métrage. 

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Ainsi, si notre héros à roulettes semble s'accomoder très vite de sa nouvelle condition, notamment grâce à sa rencontre avec la belle Annu (Rooney Mara), sa dépendance à l'alcool ne semble jamais devoir s'évaporer. Il n'y a donc qu'une expérience mystique pour le sortir de là ; il a besoin d'un gourou. Cest cet ésothérisme dogmatique que Donnie (Jonah Hill, donc) incarne avec une profondeur d'âme et une forme d'ambiguité assez marquantes. Il lui donnera le courage d'affronter ses propres carences affectives et de pardonner, aux autres d'abord, à ceux qui l'ont élevé, à sa mère qui l'a abandonné à sa naissance, mais aussi et surtout à lui-même

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Rien de très neuf donc dans cette histoire de renaissance et de rédemption comme on en connaît beaucoup dans le cinéma américain, mais des personnages véritablement touchants et très drôles, partisans d'un humour à la fois cynique et bienveillant. Voilà peut-être ce qu'on pourrait reprocher au film, une attitude rock'n'roll de façade cachant en fait une forme de bigoterie parfois un peu lourdingue. Mais ne boudons pas notre plaisir trop longtemps, ce serait dommage et un peu malhonnête ; n'oublions pas non plus de rendre justice à Joaquin Phoenix, auteur d'une performance prodigieuse, une nouvelle fois. 


Porté par un casting quatre étoiles et une scénographie 70's chatoyante, le dernier film de Gus Van Sant ne se démarque pas par sa forme, très classique, mais bien par les émotions qu'il procure grâce à des personnages atypiques et attachants, animés par un désir de vivre totalement communicatif. Une leçon de vie désopilante, un feel good movie sans la niaiserie.