Dans la petite ville d'Ebbing, Missouri, tout le monde connaît l'histoire d'Angela Hayes, violée et assassinée quelques mois auparavant. Sa mère, Mildred, va pourtant se servir des trois panneaux publicitaires aux abords de la ville pour rappeler à la population et au chef de la police locale que l'enquête piétine, en y faisant afficher un message directement adressé à ce dernier.
Voilà en gros le point de départ d'un film qui, selon toute logique, devrait s'apparenter à un thriller policier à l'américaine. Un meurtre, un coupable qui court toujours, une mère courage, un flic en fin de carrière (ici plutôt de vie mais bon ça revient au même), tout est là pour faire un film pépère aux codes bien rôdés. Sauf que non, ce n'est pas l'idée de Martin McDonagh. Lui son truc apparemment, c'est plus d'opérer une véritable étude psychologique de ses pauvres personnages, qu'il place à dessein dans des situations extrêmes, et de le faire avec un humour et un cynisme pour le moins réjouissants. C'est ce qu'il avait déjà très bien fait dans Bons baisers de Bruges, et qu'il réitère ici avec plus de gravité mais toujours ce sens de la formule propre au dramaturge qu'il est.
Si le procédé a quelque chose de shakespearien dans la façon dont il fait ressortir les émotions et l'humanité de chacun des trois personnages principaux, à travers leurs interconnexions, c'est bien le mélange des genres qui rend le métrage si attrayant. Le spectateur est ainsi baladé entre comédie grinçante, drame sentimental, thriller policier et fresque sociale avec une fluidité qui force l'admiration. On passe du rire aux larmes en un clin d'œil, le temps pour Mildred de balancer un bon coup de pied entre les jambes d'une bande d'ados boutonneux. D'ailleurs si Frances McDormand trouve probablement là son rôle le plus abouti depuis le quelque peu ressemblant Fargo des frères Cohen, que dire de Sam Rockwell, époustouflant dans ce rôle de redneck complexé mais repentant ?
Certains films ont, par une combinaison de facteurs bien amenés et maîtrisés, la faculté de nous interroger sur notre propre humanité. Doit-on tout pardonner, doit-on se venger, doit-on d'abord penser aux autres ou s'occuper avant tout de nous-mêmes ? Voilà des questions auxquelles 3 billboards répond en filigrane, tout en présentant un divertissement intelligent et de très bonne facture. A afficher dans toutes les bonnes filmothèques.