[ITW] Worakls, électro-maestro

undefined 11 février 2019 undefined 16h23

Lisa B

Aux premières notes d’une musique de Worakls, une seule envie : fermer les yeux pour voyager vers un univers plein de lyrisme et d’émotions, en nous laissant porter par les notes instrumentales mêlées à ce beat puissant qui nous ferait danser à l’infini. Worakls, de son vrai nom Kevin Rodrigues, est aujourd’hui un artiste à part entière qui s’est fait une place parmi les plus grandes pointures de la musique électronique. Depuis son premier EP Unity en 2008, en passant par la création de son collectif Hungry Music en 2014, pour aller vers les salles les plus prestigieuses d’Europe à ce jour, on peut dire que Worakls n’a pas fini de nous impressionner.

C’est à l’âge de trois ans que Kevin apprend à jouer du piano, et rejoint le conservatoire par la suite. Ce n’est que plus tard que son chemin croisera l’univers électronique. La musique, son seul mot d’ordre. C’est pourquoi il a à cœur de la renouveler et de l’expérimenter en montrant au monde entier les possibilités innombrables que celle-ci peut offrir. C’est le projet d’Orchestra, son premier album, qui prend soin de mélanger « deux mondes, les émotions du classique avec la liberté et l’énergie de l’électronique ». Il sortira le 15 février, date de son premier jour de tournée qui aura lieu à l’Olympia de Paris. Worakls nous en dit plus dans cette interview.


Jusque-là, tu immisçais la musique classique dans une musique que tu voulais électronique, sans passer par un enregistrement d’orchestre. Qu’est-ce qui t’as enfin poussé à passer le cap, et pourquoi ce n’est pas arrivé avant ?

En fait, tout est une histoire de curseurs. Il y a ce premier curseur qui me veut artiste électronique. C’est comme ça que mon auditoire me connaît, donc je ne pouvais pas passer de l’électro au classique trop brusquement, je ne veux surtout pas le choquer, le bousculer, en changeant trop radicalement. Puis il y a le second curseur, qui va de pair avec une question de temps. Il faut le temps d’apprendre l’utilisation des cuivres et des cordes, c’est un peu lié à une contrainte d’instruments. Et je n’ai pas peur de dire qu’il me faut du temps pour apprendre à faire les choses bien, pour bien prendre connaissances des difficultés et des paramètres complets des instruments.


Oui, et apprendre à allier électro et classique ne doit pas être évident non plus…

C’est clair ! Moi si  je m’écoutais, des fois, je ferais des trucs sans beat, complètement orchestraux comme j’ai l’habitude d’écouter quand je suis tout seul et que j’ai du temps libre, style musique classique ou de films, mais il fallait le temps de trouver cet entre-deux entre classique et électro.

© Samy Ait Chikh

Ce qui est fou, c’est que malgré un tel changement de format, on reconnaît très bien ton identité artistique, c’est quoi ton secret ?

C’est plutôt simple en fait, je reste fidèle à moi-même. Je garde mon cap naturellement, donc ma patte artistique restera toujours la même, quoi qu’il arrive je pense. Enfin, tant que je fais ce que j’aime, selon mes goûts et mes émotions. Et je me dis que si j’écris un morceau comme je l’aime, il y aura forcément quelqu’un sur cette terre qui l’aimera. Je ne me demande jamais « est-ce que si je fais comme ça, ça plaira plus à untel ou untel ? ». C’est important, en tant qu’artiste, de chercher à se plaire à soi-même avant de vouloir plaire au plus grand nombre, c’est comme ça qu’on garde son identité propre. Par exemple, si je me mets à écrire du reggae demain, je suis sûr qu’on reconnaitra quand même mon style.


C’est marrant, tu parles d’écrire la musique, et non pas de la composer. Dans le teaser tu dis que tu écris ton album, comme un romancier qui écrit une histoire. Raconte-nous l’histoire de ton album.

(Rire). Alors je ne sais pas ce que vous allez en penser, et on me contredit souvent sur la question, mais pour autant je ne vois pas d’homogénéité dans cet album. D’ailleurs, je n’ai pas cherché à en créer, et je trouve qu’Orchestra n’est pas fait pour être écouté d’une traite, entièrement. En fait, j’ai préféré exploiter différentes émotions sur chaque morceau, et chacun raconte une histoire différente. Crow, pas exemple, l’avant-dernier morceau de mon album, est très drum’n’bass, et laisse parler notre animosité, alors que Inner Tale est plus doux, et cherche à réveiller les sentiments que l’on a au plus profond de soi.

© Samy Ait Chikh

De quels genres musicaux tu t’es inspiré pour la création de tes morceaux ?

Dans Nikki et Crow, on retrouve l’esprit dubstep. C’est un style dont je suis très admiratif, même si je n’écoute pas ça parce que je trouve ça trop bruyant (rire). Mais quand tu décomposes le morceau, tu vois que c’est super technique comme musique, donc j’ai voulu y faire quelques références. Après, il y a une chose que j’évite de faire à tout prix : faire deux fois la même chose. Je trouve qu’il n’y a rien de pire qu’un artiste qui fait deux fois la même chose. Si un artiste a vraiment du talent, il doit pouvoir renouveler ses genres, se dépasser et sortir de sa zone de confort. Moi, c’est ce que j’essaye de faire. Pour Porto, j’avais voulu mélanger musique portugaise traditionnelle avec de l’électro, ça m’a poussé à sortir de zone de confort et à réfléchir, il faut savoir être créatif.


Et après Orchestra, comment tu comptes te renouveler ?

J’évoluerai, je ne me renouvellerai pas radicalement. J’aime écouter ce qui me plaît et mes goûts évoluent avec le temps. Je verrai bien avec l’âge. Là, ce n’est jamais que mon premier album, j’espère que dans le second il y aura quand même deux ou trois choses nouvelles (rire). La difficulté, c’est de réussir à garder ses auditeurs, et ne pas trop les brusquer comme j’expliquais tout à l’heure. Il faut qu’ils puissent te suivre, et c’est vrai que, quand les gens aiment ton truc, ils ont tendance à vouloir le retrouver dans ton prochain album. C’est toujours cette histoire de curseur, faut trouver le juste milieu. C’est un nouveau challenge tous les jours pour moi de toute façon !


Avec Orchestra, tu t’adresses à un nouveau public. Tu vas passer d’une culture clubbing à des concerts en salle, tu le sens comment ?

Je me suis attelé à essayer de tirer mon public derrière moi, vers ce côté orchestral que je leur propose dorénavant. Quelque chose que certains d’entre eux connaissent déjà, c’est sûr, mais que beaucoup ignorent aussi peut-être, et qu’ils pourraient aimer. C’est pour ça que j’y vais petit à petit aussi, je rajoute progressivement une touche orchestrale dans un morceau électronique, puis je reviens à l’électro pur, avant d’en remettre une bonne dose de nouveau. Ça me permet de les ouvrir à cet univers, progressivement. J’aime l’idée de les pousser à s’ouvrir à ce monde-là. Donc je m’adresse à mon public. Par contre, je pense que certains de mes auditeurs vont plus pouvoir venir me voir lors de cette tournée. Déjà, parce que les horaires sont plus "normaux", on est loin des 23h-6h traditionnels du club (rire). Puis il y aura à la fois places assise et debout, donc ca donne plus de possibilités, je pense. Faut savoir qu’une partie de mon public a 50 ou 60 ans, je pense qu’à cet âge-là, tu n’as pas forcement la foi d’aller en club ou en festival. Là, c’est quand même plus confort. Après, si ça parle à un public plus large, tant mieux ! Mais moi je ne me trahirais jamais pour avoir plus d'auditeurs.


© Samy Ait Chikh

Tu dis aimer la musique de films, qu’est-ce qu’elle t’inspire ?

J’écoute beaucoup de musiques de films au quotidien, car pour moi c’est de la musique classique moderne. Et c’est vrai que j’ai envie de m’essayer à ça, ça me plait énormément. Puis je pense aussi qu’on gère plus la où on est le plus passionné, et pour mon cas, la passion parle d’elle-même. C’est pas vraiment moi qui m’inspire du ciné, mais le ciné qui m’inspire. Et dès que j’ai des images en tête, il arrive souvent que les musiques me viennent instantanément. Ce sont les images qui m’inspirent des morceaux. La dernière fois, par exemple, je n’avais pas d’inspi, alors je me suis mis une vidéo sur YouTube, j’ai coupé le son, et l’inspi est revenue toute seule.


Une bande-son que tu aurais aimé produire ?

Oh non, pas ça… Il y en a trop ! (rires)


Allez, un Top 3 ! Peu importe l’ordre, on va te faciliter la tâche…

Même trois, c’est dur (rire). Je dirais… The Ecstasy of Gold de Enio Morricone, La marche impériale de Star Wars (John Williams, ndlr) peut-être, et le Da Vinci Code de Hans Zimmer.


Quels films pourraient illustrer les morceaux d’Orchestra ?

Nikki pourrait illustrer un Batman, Crow un truc un peu futuriste du style Matrix ou Blade, ce genre de morceaux très "animal" tu vois. Hortari serait parfait pour Gladiator je trouve ; je vois bien le morceau sur une scène de bataille en pleine action. D’ailleurs, Hortari, ça vient du latin et c’est un mot qu’on utilisait pour parler du discours que le commandant guerrier faisait à ses combattants pour leur donner de la force. D’où Gladiator, parce que c’est super guerrier, antique et romain.


Dans le teaser qui présente le projet Orchestra, tu parles d’un aboutissement de ce que tu veux représenter dans ta musique. Cet aboutissement, qu’est-ce que c’est ?

Cet aboutissement, c’est la création d’une passerelle entre le monde électronique et classique orchestral au sens large. Donc le fait de travailler avec des musiciens, pour apporter quelque chose d’humain à l’électro, qui moi me manque personnellement. Quand j’écoute de la musique électronique pure, je trouve qu’il peut manquer des émotions, et quand j’écoute du classique, je me dis que là, j’y verrais bien un bon beat, tu vois (rire). Je veux mélanger les deux, arriver à trouver ce juste milieu, pour en tirer le meilleur parti des deux côtés.


Et tu espères avoir le temps de jouer autrement que dans le cadre d’Orchestra ?

J’espère oui, cet été en France ou ailleurs. J’ai fait les Soli’, les Vieilles Charrues… Et j’ai adoré jouer pour ces festivals, j’ai adoré le public, et j’aimerais trop y retourner ! Je pense d’ailleurs que j’en ai des prévus, mais je ne sais même pas (rires). Parce que mon équipe est tellement bienveillante, qu’ils ne veulent pas me le dire pour que je reste concentré sur Orchestra, mais à mon avis y'en a déjà quelques-uns dans les tuyaux ouais. En tout cas j’espère !


Worakls - Orchestra

Sortie le 15 février 2019
En concert à l'Olympia le samedi 15 février 2019
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