[ITW] Angèle, rapide comme l\'éclair

undefined 22 mai 2018 undefined 17h00

Victor

C’est l’histoire d’un go fast entre Bruxelles et Paris. Une course à pleine vitesse qui convoque la pop et le rap, brûle tous les feux rouges et se gare en marche arrière sur une place laissée fumante par des pneus qui crissent. Voici donc Angèle et ses lunettes aérodynamiques, sa légèreté candide et son joli accent belge, qui part à la conquête de la pop contemporaine avec l’envie d’une femme moderne.


Elles sont jolies tes lunettes de vitesse ! 

Merci ! C’est des lunettes de vélo quoi ! (Rires)


Tu es allée un peu vite entre Bruxelles et Paris. T’as aussi mis des lunettes de vitesse pour débuter ta carrière, non ?

Oui, ça a été très rapide, en effet ! Il y a eu un mélange de chance et un bel entourage autour de moi, je pense notamment à ma famille et à mes amis. Puis il y a eu du travail, évidemment. J’ai eu la chance d’être repérée par les bonnes personnes, d’être entourée des bonnes personnes également, comme mon frère (le rappeur Roméo Elvis, ndlr), Damso et Charlotte (Charlotte Abramov, la réalisatrice des clips d’Angèle, ndlr). Tous ces gens-là ont été vraiment bienveillants et tous ont supporté mon travail. Ma manageuse, mon copain, ma famille étaient là… Et ça m’a vraiment donné de la force. 


Le début, c’était comment du coup ?


J’ai commencé le piano à cinq ans et j’en ai fait jusqu’à mes 18 ans en classique. J’ai ensuite débuté une école de jazz pendant deux ans et c’est là que j’ai appris un peu plus à composer, ce qui m’a beaucoup aidée pour la suite. J’ai accompagné mon père sur scène en tant que claviériste, et j’écrivais des petites chansonnettes en anglais mais qui ne racontaient pas grand-chose, c’était juste pour moi… Les vidéos Instagram, bien sûr, qui ont fait que mon manager m’a “repérée” – enfin, attention, pas du tout dans le sens requin, il était juste super intéressé par le boulot que je faisais. À ce moment-là, je travaillais avec Sylvie, qui est mon ancienne baby-sitteuse et une très bonne copine à moi. Elle m’aidait à organiser des concerts et tout, sauf qu’on ne connaissait rien du milieu et qu’on ne connaissait personne...


Tu avais quel âge à cette période ?

19 ou 20 ans, je dirais (elle a aujourd’hui 22 ans, ndlr). Le manager en question, qui est soit dit en passant très chouette, s’est super bien entendu avec Sylvie, ce qui fait que je suis doublement accompagnée. Je suis avec quelqu’un qui a de l’expérience et du métier, qui fait un travail incroyable, et j’ai Sylvie qui est tout le temps avec moi, et qui a appris le métier très rapidement.


Tu es une personne qui a besoin d’être entourée et dont on doit prendre soin ?

Oui, je suis la petite sœur ! Avec Sylvie, je retrouve ce truc-là de la grande sœur qui me protège. Tout a été très vite parce que tout est aussi très bien ficelé. Si je n’étais pas entourée de personnes bienveillantes et qui m’ont montré la voie, ça n’aurait pas été aussi rapide.



Comment as-tu vécu le fait de quitter Bruxelles pour vivre à Paris ? 

Je n’ai pas vraiment quitté Bruxelles puisque j’y vis encore. En fait, je suis entre les deux. L’organisation de ma vie fait que c’est plus simple d’avoir un appart’ à Paris et un appart’ à Bruxelles, mais ce n’est pas tant le fait de quitter Bruxelles que de pouvoir la retrouver qui m’enchante. Quand je pars à Paris pour quelques jours, je retrouve toujours Bruxelles en me disant que c’est quand même vachement cool, comme ville. Retrouver sa ville, c’est important. Mais elle n’a pas vraiment le temps de me manquer puisque je ne pars jamais longtemps, mais je suis bien contente de retrouver mon chez-moi. Les gens y sont très cool et bon enfant. Rien à voir avec Paris où tout est plus cher, beaucoup plus stressant et où les gens sont bien plus serrés les uns contre les autres.


Comment Angèle se place dans ce paysage musical et médiatique qui semble l’appuyer ?


C’est là où j’en reviens à cette idée de chance que j’évoquais au début. Une immense porte ouverte s’est créée pour une artiste comme moi. Je fais de la musique en français et je fais de la pop. La pop fonctionne toujours et, en plus, j’ai eu l’énorme poids des rappeurs qui, je ne sais pas pourquoi, m’ont soutenue. Je pense qu’il y a quand même un truc de “petite sœur”, car les rappeurs ont un délire très fraternel.


Ah oui ?

Si c’est la famille, on donne la force. Quand Damso m’a proposé de faire cette tournée, il y avait évidemment un truc où il voulait faire parler la scène de Bruxelles, mais il a aussi vu en moi une meuf pour contrer le fait qu’on le traite de sexiste. D’autant plus que je suis un peu considérée comme féministe. 


Il n’y a donc pas que le talent…


Évidemment que non, et je ne dirai jamais ça ! En école de musique, j’ai rencontré énormément de gens avec du talent et j’ai trop d’amis qui font de la musique et qui sont extrêmement bons. Ils n’ont juste pas eu la même chance et le même appui que moi, c’est certain… Le talent, malheureusement, ne suffit plus, aujourd’hui...




Ta musique, c’est un taf à plein temps ?

Carrément, je fais bien ça à plein temps ! (Rires) Je n’ai plus du tout de temps pour moi-même ! Je le fais à plein temps parce que je fais tout en même temps aussi.


C’est-à-dire ?

On a sorti La Loi de Murphy (son premier morceau, ndlr) en octobre en faisant le clip dix jours avant de le sortir. C’était hyper intense mais à la base, deux-trois mois avant, je n’avais pas de label, je voulais juste sortir ce clip à la cool, j’avais simplement un éditeur avec qui j’ai fait une co-édition, donc tranquille. Puis le morceau est sorti et en même temps on nous a proposé de faire la tournée de Damso, donc jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas arrêté. Le deuxième clip est sorti ensuite et là je suis en train de terminer l’album… Puis il y a les promos, évidemment. 


J’ai une question dystopique : n’as-tu pas peur que les réseaux sociaux, qui ont beaucoup fait pour toi, se transforment en intelligences artificielles capables d’orienter nos désirs ?


J’ai eu cette peur avec Facebook mais je me rends compte qu’aujourd’hui, Facebook, c’est terminé. Instagram, là c’est encore cool, mais dans cinq ans ça sera terminé également. Je pense qu’il y aura toujours des choses au-dessus. Ces réseaux sociaux sont juste le reflet un peu vicieux de l’humain qui est de vouloir se montrer. L’humain se compare beaucoup et veut toujours montrer aux autres qu’il est le meilleur. Je m’en rends peut-être un peu moins compte puisque j’ai grandi avec ça, remarque. J’aurais peur que ça ait un trop gros impact sur la jeunesse, notamment celle qui me suit. Je suis jeune mais ceux qui me suivent le sont encore plus… Mes fans ont entre 18 et 22 ans, et en concert je suis étonnée de voir des filles très jeunes. Ce qui m’inquiète, c’est de voir ces filles se prendre sans arrêt en photo et qu’elles ne sont jamais contentes au final. Quand tu es adolescent, ça doit être terrible. Mais l’Humanité ne s’arrêtera pas à ce point.


As-tu des fans hardcore ?


Oui ! (Rires) Le premier concert que j’ai fait il y a deux semaines et où j’étais tête d'affiche et accompagnée de mon groupe, il y avait deux filles qui n’ont pas arrêté de hurler pendant toute la performance. On s’est vraiment tous regardés durant toute la durée du concert en se demandant ce qu’il se passait. Le truc, c’est que j’étais aussi impressionnée qu’elles. Je n’étais pas du tout prête pour ça à vrai dire. Quand deux filles te voient et hurlent, ça fait peur.


Est-ce que cette idolâtrie te paraît naturelle ?

En sortant des concerts, je me demandais vraiment ce qu’il m’arrivait. Et avec un pote chanteur – qui est accessoirement jury de The Voice –, j’en ai pas mal discuté. Il m’a dit quelque chose de très important : tu ne peux pas faire autrement que de créer un personnage qui établisse une distance entre la personne qui monte sur scène et qui fait son travail et la personne qui fait ses courses au supermarché et qui peut refuser la photo d’un fan parce que ça appartient à sa vie privée.


Pour revenir sur le féminisme, comment combats-tu au quotidien ? 

Je ne sais pas si je combats… Je ne suis pas militante et ça serait un peu hypocrite de ma part de le dire alors que je ne le suis pas. Je fais le minimum que je peux faire en tant qu’artiste et je porte ce t-shirt qu’on m’a donné (un t-shirt sur lequel est inscrit : “Women need more sleep than men because fighting the patriarchy is exhausting”, ndlr) pour donner de la visibilité à cette cause. Je l’ai porté avec Charlotte qui elle, pour le coup, est beaucoup plus militante que moi vu qu’elle a sorti un clip spécial qui en parle. Du coup on a porté ce t-shirt, la photo a super bien fonctionné et ça m’a un peu catégorisée dans un truc lié au féminisme mais qui finalement me va très bien. C’est un combat que moi j’ai toujours suivi puisque ma mère a toujours été intéressée par la cause, mais moi à la base je n’avais pas l’idée d’en parler dans mon métier. Avec l’ampleur que ça a pris, je me suis dit que j’allais assumer ce truc-là, et je dois avouer qu’au début, ça m’a fait un peu peur, surtout parce qu’on aurait pu me tomber dessus avec Damso. Mais au final non, l’un n’empêche pas l’autre. Si tu fais de l’art, tu peux combattre chaque chose qui mérite de l’être. Et de préférence en faisant passer de beaux messages.


Retrouvez Angèle au We Love Green, du 2 au 3 juin. Elle se produira aussi au Trianon le mardi 22 mai (complet). Article initialement publié dans le numéro de mai du Bonbon Nuit.