Mais à quoi peuvent bien servir les maires de la nuit ?

undefined 20 avril 2018 undefined 18h02

Victor

Ils ou elles s’appellent Ariel Palitz, Shamiro van der Geld, Amy Lamé ou Frédéric Hocquard et sont ce que les médias appellent communément les “maires de la nuit” pour faire simple. Chargés des questions nocturnes par l’administration, nommés par la ville à laquelle ils appartiennent ou élus par les habitants de celles-ci, leurs profils sont contrastés et n’obéissent pas à une forme unique. A quoi servent-ils ? Rapide tour d’horizon de leur fonction.

L’exemple le plus caractéristique en matière de vie nocturne est certainement l’ex-maire de la nuit d’Amsterdam, Mirik Milan, auparavant promoteur de soirées. Alors que la vie nocturne d’Amsterdam est en sérieux déclin, Mirik est élu en 2012 pour redresser celle-ci et redynamiser la nuit dans cette ville où tant la prostitution que la drogue ou les clubs undergrounds sont légions.


Mirik Milan, l'ancien maire de la nuit d'Amsterdam

Le résultat ? Faire prendre conscience aux autorités que la nuit n’était pas à apprécier différemment que le jour et que lorsqu’un problème survient, il ne faut privilégier la discussion et la médiation à la répression. On lui doit notamment une chose importante pour la vie nocturne locale : la licence 24h pour une dizaine d’établissements nocturnes situés dans le même quartier - de quoi structurer la vie nocturne et lui permettre de s’étendre en bonne intelligence. Au NY Times, il explique que l’erreur consiste à fermer tous les clubs à la même heure, provoquant ainsi une descente massive de gens dans les rues, des gens évidemment bruyants. “Ce qui cause un tas de problèmes et des nuisances pour les gens résidants dans ces zones” dit-il. Un exemple qui résonne à Paris : Concrete, le club du Quai de la Rapée, a en effet récemment obtenu sa propre licence 24h.


Amsterdam

A Londres, Amy Lamé a rencontré des problèmes différents. Nommée par le Maire lui-même (un système différent de l’élection par les citoyens, donc), elle a dû faire face à une pression accrue sur les établissements LGBTQ+ de la ville. Alors que la ville a fait face, selon cette étude, à une fermeture d’environ 60% des lieux LGBTQ+, Amy Lamé se bat pour les protéger, Royal Vauxhall Tavern dans le sud de Londres et Molly Moggs à Soho en tête. Finalement, explique-t-elle, “ce métier concerne la vie pendant la nuit, pas seulement la fête, ce qui comprend tous les aspects de la vie à Londres”. Transports, métiers, commerces, jardins, bars et clubs, mais aussi hôpitaux, police et marché noir et prostitution. Tout un tas de problématiques qui se posent la nuit tout autant que le jour. 


Amy Lamé, maire de la nuit de Londres

Frédéric Hocquard, nommé en 2014 par Anne Hidalgo, n’est pas à proprement parler un maire de la nuit. Sa fonction officielle est “Adjoint à la Mairie de Paris chargé de la vie nocturne et de l’économie culturelle”. C’est un peu le fêtard de la municipalité, quoi. Quand on lui parle, on sent qu’il prend son métier à coeur et que la nuit, il semble aussi la connaître, lui qui dit sortir un peu partout et aimer découvrir de nouvelles choses. Mais, nous avoue-t-il, il a quand même une petite préférence pour la Gare des Mines, le tiers-lieu de la Porte de la Chapelle, “parce qu’on peut encore y écouter du punk”.


Londres

“Ma mission principale est de développer la vie nocturne à Paris, mais une vie nocturne bienveillante, variées et valorisée” dit-il. Pas une nuit pour quelques-uns (les voisins) ou quelques autres (les fêtards). Une nuit qui puisse réconcilier ces deux entités antinomiques. Parce que c’est quand même un peu le principal problème de Paris, cette question du voisinage et des nuisances. Souvenez-vous, nous vous en parlions ici. “Quand je suis arrivé, le premier mail que j’ai reçu m’avait été envoyé par un habitant qui venait de s’installer à Pigalle et qui souhaitait que je fasse quelque chose contre le bruit. Je lui ai répondu que, malheureusement, je ne pouvais pas faire grand chose…” poursuit-il.


Frédéric Hocquard, Adjoint à la nuit parisienne

Précisons tout de suite que le maire de la nuit n’est pas Frédéric Hocquard mais Clément Léon R., l’homme qui disait que la capitale ne devait plus être une cité-dortoir. Sauf qu’il a un peu disparu et que quelques mois après son élection, plus aucune nouvelle de lui… “Il n’était un interlocuteur pour personne” juge l’adjoint à la nuit, Frédéric Hocquard. Ce dernier, au contraire, se positionne comme le médiateur par excellence des nuits parisiennes. Quand il convoque le Conseil de la Nuit et ses nombreux acteurs tant institutionnels que professionnels, c’est un peu ça.


“Les villes qui ont raté leur médiation de la nuit ont une vie nocturne qui s’est cassé la figure...  Je pense notamment à Barcelone et à ses ramblas qui ferment à minuit, ce qui est super tôt pour cette ville”. Au contraire, à Paris, les 150 établissements nocturnes qui composent la ville et qui ont leur autorisation de nuit ferment au moins à 5h du matin, certains beaucoup plus à l’instar de Concrete ou d’Ouh Lala nuit, qui peuvent facilement atteindre les 24h de fête d’affilée. Une médiation plutôt réussie. Celle avec les bars aussi : c’est la mise en place des commissions de régulation des débits de boisson dans plusieurs arrondissements de la capitale. Le résultat ? Moins de fermeture administrative des bars et une préférence pour la prévention plutôt que la répression. Frédéric Hocquard n’est donc pas un va-t-en guerre. Ce n’est effectivement pas son rôle d’adjoint, donc de médiateur - même si sa fonction éminemment politique l’oblige à trancher, parfois.


Le canal, épicentre de tous les problèmes de la nuit

“Je ne veux pas que les parcs ouverts la nuit soient des espaces de fête. Je les vois plutôt comme des chill-outs, pour jouer de la guitare, rigoler, profiter... On aurait pû en faire des espaces festifs, mais je préfère que la fête s’y déroule la journée.” En revanche, les sous-sols, eux, pourraient accueillir de nouveaux espaces festifs. C’est le sens de l’initiative Réinventer Paris qui propose à des porteurs de projet d’investir des lieux appartenant à la Mairie de Paris… à condition qu’ils soient adoubés par les jurys, dont Frédéric Hocquard fait partie. “A la rentrée tout un tas de nouveaux lieux nocturnes devraient voir le jour en sous-sol”. Un adjoint de la nuit qui fait avancer la vie nocturne, donc.