Foirer son festoche et crouler sous les dettes, mode d\'emploi

undefined 2 juillet 2018 undefined 17h50

La Rédac'

Vous trainez sur Facebook ? Ok, alors vous n'avez pas pu rater le feuilleton Micro Love, une péripétie que même les chaînes de télé généralistes n'avaient pas anticipé – et depuis, elles s'en mordent les doigts tant le script est impeccable et le récit haletant –, une audience assurée.

Imaginez le tableau : un organisateur de soirées étudiantes dont nous tairons le nom (mais que tout le monde connaît) prend l'initiative de monter un festival de musique électronique à une heure de Paris, au milieu d'une forêt, avec trois scènes et du son diffusé non-stop, jour et nuit. Chanmé. Sauf que tout foire complètement. Plutôt que de vous faire un récit à la Elise Lucet (on est sur le Bonbon après tout, pas sur Cash Investigation), voici les quelques mots de l'un de nos rédacteurs qui était sur le terrain et qui, finalement, s'est bien marré. 


Trouver un bon gros nom de merde

Un nom qui ne veut strictement rien dire et qui est censé se référer au style de musique représenté, la "microhouse". Sauf que les trois quarts des artistes bookés n'en jouent pas... Pour le Love, on attendra. Et pour le Festival, bof, on a connu mieux. 


Commencer son festival avec des dettes

La tête "pensante" du festival, c'est bien connu, devait de l'argent à pratiquement tous les presta de Paris et à pas mal d'artistes (même si certains, selon quelques témoignages Facebook, avaient toujours été payés). 


Alternative : être interdit bancaire

Eh oui, ça aurait dû mettre la puce à l'oreille de tout le monde – moi y compris. 




Bonus : ne pas avoir de fonds propre

Super cool de commencer son festival sans pouvoir payer personne. Pour les parades à cette situation, voir plus bas. 


Faire tout plein de stories Insta avec tout plein de promesses bidon

Et bien sûr afficher sa tête partout pour bien montrer qu'on existe dans le petit milieu de la nuit. 


Prévoir des navettes et dire qu'elles ne sont pas venues alors que le festival a déjà commencé

Quand ta fête est à plus d'une heure de Paname et que la gare la plus proche du festival est à quinze minutes de bagnole (et qu'il n'y a à peu près personne pour récup' les festivaliers depuis la gare d'arrivée), c'est un peu relou. Quand chaque festivalier a dépensé 20€ de plus que son pass pour avoir droit à une navette, c'est un peu relou. Quand on te sort une excuse de merde (« c'est les grandes vacances, y'a trop de monde sur la route, les navettes ont annulé »), c'est un peu relou aussi. Conclusion : c'est un peu relou. 


Ne pas payer les prestataires

Et surtout pas la sécurité, qui s'est barrée au bout d'un moment en sachant qu'elle n'allait de toute façon pas être payée. Conséquence : laisser 500 festivaliers dans une forêt en espérant qu'aucun d'entre eux ne glissera sur une racine, se fendra le crâne sur un rocher et se videra de son sang. 



Alternative : ne pas payer les artistes


Et les laisser venir à ton festival par leurs propres moyens, et ne même pas leur offrir un ticket conso pour qu'ils puissent se désaltérer. 


Bonus : ne pas payer son équipe


« Pour l'amour de la musique et de la scène locale. »


Ne pas prendre de vol retour pour les artistes étrangers

Et annuler la moitié de la prog' parce que pas mal d'artistes ont du coup annulé leur performance – normal. 


Alternative : leur demander de payer eux-mêmes leur billet d'avion

« Bah quoi, il est trop bien mon festival, pourquoi je devrais payer pour que les artistes viennent faire leur taf ? »


Bonus : ne pas prévoir de drivers pour les emmener à l'aéroport

Et leur faire rater leur vol, évidemment. 




Faire de fausses preuves de virement sur Photoshop pour faire croire à tes prestataires que tu les as payés

Un stratégème pas du tout stratégique et qui souligne bien l'escroquerie derrière tout ça. En tout cas, c'est ce que dit l'article 313-1 du Code Pénal : « L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. »


Alternative : faire des virements à ses prestataires de 30cts plutôt que de 3000€

Et faire comme si ça n'allait pas être cramé. Conséquence : le presta électricité qui coupe le son à 2h du mat' le samedi parce qu'il s'est rendu compte qu'il n'avait pas été payé.


Prévoir trois scènes, n'en avoir qu'une

Et ne pas prévenir les artistes qui étaient censés jouer sur les autres scènes. 


Alternative : envisager de couper la dernière scène restante le samedi à 19h

Parce que l'orga n'avait pas payé entièrement son presta son et que ce dernier pose un ultimatum : « Si à 19h on n'a pas notre argent, on coupe la scène » (compréhensible). Voir l'orga quitter le festival pour aller dans sa chambre d'hôtel et, juste avant, me dire qu'il ne paiera pas la scène parce qu'il n'a pas d'argent. Conséquence : laisser les Dj's réunir eux-mêmes les sous. 


Faire un message Facebook sans se remettre en question

Et supprimer tous les commentaires négatifs. 


Alternative : supprimer son compte Facebook

Mais promettre qu'on reviendra un an après.

Ne pas rembourser les festivaliers lésés

Et lire dans une conversation privée : « Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? » À toi de nous le dire, mec. 


Conclusion : organiser un Micro Love Festival 2019 avec l'argent volé du Micro Love Festival 2018

« Avec quatre scènes et les meilleurs Dj's de la scène internationale, Carl Cox compris. »


Alternative : finir en prison

Parce que quand même, faut pas pousser mémé dans les orties ou pousser Maurice et son bouchon un peu trop loin. 


Bonus : bien rigoler quand même

Et si vous voulez lire un article vraiment intelligent sur la manière de bien foirer son festival de musique, je vous invite à lire cet article de Gonzaï, dont l'équipe a eu la clairvoyance d'annuler son festival pour éviter une catastrophe, exactement comme celle qui vient d'arriver au Micro Love.