État des lieux du sexisme dans l’électro

undefined 15 février 2017 undefined 01h00

Agathe

Il y a peu, Mari Ferrari, grande reusta de l’EDM, se mettait en scène derrière ses platines, remplumée d’attributs démesurés faits de ballons de baudruche. Ebaubie par la performance, je me demandais alors ce qui avait bien pu pousser cette demoiselle à mettre en ligne une telle farce intitulée I’ll be famouse because of sexism. La bonne dame étant déjà célèbre et, de surcroît, jouissant d’une image plutôt olé olé, je pensais alors « bah tiens, v’là l’hypocrite » plutôt que « quelle héroïne cette madame ». Puis, mettant de côté mes aigreurs de réac' du siècle dernier, la question qu’il fallait pénétrait enfin mon esprit : on en est où niveau machisme, du côté de l’électro ? Est-ce vraiment l’angoisse d’être une Djette en 2017 ? Eh bien, voilà quelques réponses.  


Il y a deux ans, une infographie signée Thump nous annonçait la couleur : le site américain répertoriait, entre autres, 3 femmes sur 113 artistes à la programmation du festival Electric Zoo de New York ou encore 13 sur 207 à l’Ultra Music Festival de Miami. De quoi se poser des questions quant à la flagrante absence de femmes sur la scène internationale.

Depuis, les voix se lèvent progressivement pour dénoncer cet état de fait mais les choses évoluent difficilement dans le bon sens. L’artiste Björk lançait, il y a quelques mois, un cri du cœur sur sa page Facebook, stipulant que « Les femmes dans la musique sont autorisées à être des auteures-compositrices qui chantent à propos de leurs petits copains. Si elles changent de sujet en parlant d’atomes, de galaxies, d’activisme (…) elles sont critiquées (…) Sur le pédagogique Biophilia, j’ai chanté sur les galaxies et les atomes mais ce n’est pas avant Vulnicura où j’ai partagé une peine de cœur, que j’ai obtenu la pleine acceptation des médias. Les hommes ont le droit d’aller d'un sujet à l’autre, de faire de la science-fiction, des pièces d’époque, du slapstick et de l’humour, à être des nerds de musique (…) mais pas les femmes. Si nous n’ouvrons pas notre poitrine tout en saignant à propos des hommes et des enfants de nos vies, on trompe notre public ». Concluant sur un optimiste « Faisons de 2017 l’année où l’on changera tout une bonne fois pour toutes ! » Bel esprit. 

L’imaginaire macho a la vie dure. Bien souvent, les Djettes sont mises en scène dénudées derrière leurs platines, comme un saphir dont la seule utilité est d’astiquer le vinyle. Nina Kraviz, par exemple, était interviewée en 2013 par Resident Advisor, à poil dans une baignoire, après de longues séquences au ralenti d’elle en bikini au milieu de la mer. Un morceau de bonheur visuel qui n’a pas tardé à faire réagir les internets, par indignation, et surtout par dérision de l’absurdité de cette situation. Les médias ont souvent tendance à ajouter une couche supplémentaire à ce sexisme dit "ordinaire". C’est effarant. 

A cette hypersexualisation automatique des artistes féminines s’oppose un militantisme lesbien catégorique, ce qui n’aide en rien le démantèlement du cliché machiste. Les Djettes Chloé ou encore Jennifer Cardini en sont les premières activistes. Sans jamais remettre en cause leur talent, l’envie de faire bouger les choses de manière plus nuancée s’avère alors compromise. Si elles ne sont pas vues comme des bimbos opportunistes, ce sont donc d’effroyables gouines vindicatives, et labels et bookeurs rechignent à faire leur devoir paritaire en sélectionnant autant de femmes que d’illustres inconnus masculins qui savent simplement manier Traktor

Cependant, face à cet inextricable bourbier de testostérone, les collectifs féministes pullulent avec, à la clef, une multiplication encourageante de plateaux exclusivement féminins. On notera, par exemple, Intersession, Female:pressure à Berlin, Women Multimedia Network ou encore WAKE  à Paris. Comme le dit Louisahhh !!! : « Je dois revoir mon propre jugement critique et parfois sévère au sujet des filles qui mixent et qui sont à la traine par rapport aux hommes qui m’entourent. Je ressens souvent une part de scepticisme envers d’autres filles du monde de la nuit. C’est triste. Je sens vraiment que l’on est culturellement formées pour se monter les unes contre les autres et en ce moment je ressens le besoin d’essayer d’être une femme parmi les femmes ». Puisqu’il s’agit, en somme, de se respecter en tant que communauté avant même de quémander le respect.

I don't need Feminism, because ... 📸 @i.amleoo

Une publication partagée par Mari Ferrari (@djmariferrari) le

Je repense donc à cette chère Marie Ferrari qui joue un jeu limite limite avec le féminisme, et je comprends presque le second degré qui se cache derrière ses poses lascives. Du moins, j’essaie. Les hommes des cavernes qui gouvernent l’industrie musicale sont des proies faciles pour la plastique divine d’une Russe qui joue du David Guetta, c’est certain. C’est ainsi, peut-être, en utilisant leurs codes à l’extrême, que l’on tire une sonnette d’alarme plus efficace.  

Alors, parfois, ça a effectivement l’air de craindre d’être une Djette en 2017. Cependant, les choses semblent s’organiser dans le bon sens : celui de la résistance.