Charlotte Le Bon, la parenthèse en chantier

undefined 8 septembre 2016 undefined 00h00

Agathe

Pour réaliser cette interview, Charlotte Le Bon a invité le Bonbon Nuit là où elle bosse : dans un atelier de sérigraphie vers Montparnasse. Eh oui, la "miss météo de canal+" gribouille. Y'en a même dans le métier qui disent que c'est de l'art. A tout un chacun de vérifier, votre opinion ne lui posera pas de problème. Dès mon arrivée, l'hyperactive, chouchoute de Spielberg, me montre ses merdes. Non pas que ce soit nul, mais elle me montre littéralement plein de petits cacas, des bananes et des petits cœurs dessinés qu'elle va ensuite vendre pendant la durée de son exposition. Pendant qu'elle travaille et fait mille choses en même temps, on la questionne sur son succès fulgurant, sur son obsession de toucher à tout et sur son tatouage raté qu'elle a sur les fesses. 

Bonbon Nuit : On ne te voit pas souvent sur les plateaux télé, chez Hanouna, Arthur, toute la team, tu serais pourtant une bonne cliente... 

Charlotte Le Bon : Je déteste ça... Je préfère être discrète. C'est un peu putassier, c'est pas mon truc. Je te jure que je ne suis pas bonne cliente. Tu n'as pas dans ces émissions le luxe d'avoir le temps de réfléchir à tes vannes. Les bons clients sont les rois de la punchline, je ne suis pas comme ça.  Je ne sais pas si je suis si rigolote que ça.  J'aimerais avoir un niveau où tu peux l'éviter. Mais ce n'est pas pour tout de suite, je n'ai pas fait mes preuves encore. 

Bonbon Nuit : Tu n'as jamais rien cherché au fait. Tu acceptes tout ce qu'on te propose ?  

Charlotte : Non ! Mais j'ai eu beaucoup de chatte effectivement ! On ne dit pas non à Zemeckis ! Mais tout peut s'arrêter demain, j'en suis pleinement consciente. J'accepte un rôle parce que j'accepte un défi. Par exemple avec The Promise, quand tu joues avec des mecs comme Oscar Isaac (Star Wars) ou Christian Bale (Batman), ou quand tu te retrouves face à Robert Zemeckis (Retour vers le futur et plein d'autres films) à qui tu as été recommandé par Spielberg (encore plus de films), bon je me la pète un peu, mais tu te prends une claque tous les jours. Même chose dans le dernier Jalil Lespert (pour et avec qui elle a déjà tourné dans Yves Saint Laurent), je joue une escort girl de luxe. Je ne pouvais pas me rabattre dans le connu, je devais travailler mon rôle. Jalil et moi avons cette relation particulière où l'on s'apprécie "après coup". Sur les tournages on se prend vraiment la tête. Nous sommes tous les deux perfectionnistes, parfois il me demande de faire des choses que je ne cautionne pas. Il me pousse à essayer, ça me rend ouf, et du coup ça le rend ouf. 

Bonbon Nuit : T'es chiante quoi. 

Charlotte : Avec lui je suis chiante. Mais ça arrive à beaucoup d'acteurs qu'après quelques semaines, ils connaissent mieux leur personnage que le réalisateur ou le scénariste. Et à chaque fois que je prends la tête à Jalil, j'ai raison... Bon très souvent il a raison aussi... C'est ça qui construit une belle relation. La preuve, je suis revenue. 

Bonbon Nuit : Comment une petite Québécoise est-elle devenue la petite protégée de Spielberg ? 

Charlotte : Ça fait 7 ans que j'ai quitté le Canada. J'étais mannequin à l'époque. A 23 ans je marchais bien en France, j'étais indépendante financièrement mais je détestais ce métier sordide. Je me posais énormément de questions sur moi, sur le futur. Jamais je n'aurai pensé à être actrice à ce moment-là. Il me restait un an à faire avant de devenir "trop vieille", j'ai donc mis le paquet avant la retraite, j'ai décidé de m'installer à Paris et de faire de l'argent pour ensuite être tranquille et voyager. J'ai tout quitté, mon copain, ma famille, et je suis arrivée dans une ville et un pays dont je n'étais pas forcément fan à l'époque. Je me suis fait repérer sur une photo (incroyable hasard) par une directrice de casting de chez canal + qui cherchait la nouvelle miss météo. J'ai passé un bout d'essai avec un texte écrit avec celui qui est resté mon co-auteur pendant un an. Et ensuite tout a déboulé. 

Bonbon Nuit : Ça t'a plu la période canal + ? 

Charlotte : Maintenant oui, mais à l'époque je détestais ça. Il y a eu une période où être jolie me gonflait. Par rapport à mes années dans le mannequinat. Dès que j'étais moche, je me sentais libre. De venir sur le plateau couverte de merde ou déguisée en coach gouine, c'était les seuls moments où je me sentais bien. Quelques semaines après la rentrée, on m'a quand même demandé de venir au moins un jour par semaine avec une belle robe. A part ça on m'a laissé tranquille. 

Bonbon Nuit : Alors qu'est-ce que c'est que cette expo encore ? 

Charlotte : Je fais ma première exposition de lithos et sérigraphies sur des murs dans le Marais ! Ça faisait longtemps que j'avais envie d'exposer mes dessins. J'ai rencontré Anne Dominique Toussaint, productrice de cinéma et galeriste qui expose souvent des œuvres d'acteurs ou de gens du cinéma comme Depardon, Klapisch, James Franco, ou encore Agnès Varda. Elle m'a lancé un défi, je me suis dit « Je vais avoir 30 ans là c'est bon, faut que je fasse un truc de ma vie ! » 

Bonbon Nuit : Tu te fous de ma gueule ? 

Charlotte : Non mais je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que j'ai une horloge dans le cul ! Je veux rester dans le milieu du cinéma toute ma vie, mais juste faire l'actrice c'est impossible pour moi. J'écris, je dessine, je fais de la photo... Effectivement je n'ai pas encore trouvé ma voie mais ça va être un mélange de tout ça. Je fais de l'art depuis le lycée, c'est aussi ma vraie nature de faire ça. 

Bonbon Nuit : T'as été mannequin, tu as arrêté, tu as fait de la télé, tu as arrêté, tu as commencé une carrière dans le cinéma, tu n'arrêtes pas, mais tu fais une petite pause. N'as-tu pas l'impression qu'en faisant trop de trucs, tu ne te perfectionnes jamais vraiment dans une discipline ? 

Charlotte : Je ne me suis pas posé cette question. Le mannequinat j'ai détesté, la télé ça m'amuse, mais ne faire que ça c'est impossible. Le perfectionnement il se fait dans les projets qu'on choisit. Si j'enchaîne après sur un film, je me donnerai à 100%, je ne me mélange jamais les crayons. Et chaque expérience peut aussi me faire grandir aussi dans une autre discipline. Mes dessins d'aujourd'hui vont m'aider à bosser un personnage que je jouerai demain. Il faut que j'embrasse le fait que j'ai besoin des deux. 

Bonbon Nuit : Ce n'est pas une peur de l'échec ?

Charlotte : Non c'est une peur du vide. Je n'arrive pas à rien faire. J'ai lu le journal de Keith Haring, qui disait qu'il avait cette nécessité de créer constamment, comme une course contre la montre. Bon après il se trouve qu'il avait le sida. Mais il ne le savait pas ! Ça se trouve je l'ai aussi... (rire caustique) Mais ce qui est sûr, c'est que je n'arrive pas à être dans la contemplation. Quand j'ai fini un truc je le déteste. Tu peux être sûr que là, 50% de ce que j'affiche je vais bientôt le détester. Mais il paraît que c'est bon signe ! 

Bonbon Nuit : Tu ne t'aimes pas ? Tu te sens comme une usurpatrice ? 

Charlotte : Je ne suis pas un artiste torturé qui se déteste, mais je suis loin de me kiffer. Je suis très dure avec moi-même. J'ai longtemps vécu avec ce sentiment d'imposture dans le milieu du cinéma. Tout est parti tellement vite... 

Bonbon Nuit : Du coup, peut-être ne devrais-tu pas mettre JR en avant dans la com' de l'expo ? JR te sert de caution ? 

Charlotte : Ce n'est pas moi qui l'ai mis en avant, je leur avais même dit de l'enlever. Après toi tu vas me dire ça mais d'autres vont plutôt penser « Ah ouais putain génial, je vais aller voir l'expo juste pour ça ! », ça marche comme ça. Ils savent ce qu'ils font. Après si demain j'arrête de parler à JR, ça ne changera rien à mes dessins. 

Bonbon Nuit : Tu sais qu'en vrai son nom c'est Jean René ? 

Charlotte : Ça ne m'étonne pas. Il doit avoir un nom très très moche pour le cacher comme ça ! 

Bonbon Nuit : T'as un tatouage dont tu as honte ? 

Charlotte : J'ai un cœur sur le cul. Il est super moche, le tatoueur était bourré. 

Exposition One Bedroom Hotel On the Moon à la Galerie Cinéma

26, rue Saint-Claude, 75003

A partir du 9 septembre 2016

Extrait du Bonbon Nuit n°67 - Septembre 2016

Texte par Raphaël Breuil, photos Par Flavien Prioreau