Félicitations mesdames, on vous a déjà oubliées

undefined 11 mars 2019 undefined 16h50

Lucas Javelle

Vendredi, c’était la Journée internationale des droits des femmes (et encore, on n’est pas tout à fait sûr de l’appellation). Toute une journée entièrement dédiée à la femme. Vous imaginez ? C’est beau 2019… Et le reste de l’année ? Le reste de l’année, on n'en a rien à foutre, comme vous pouvez vous en douter.

 

C’est bien malheureux, mais c’est ainsi. Déjà que cette fameuse "journée" ne fait pas simplement honneur aux femmes mais qu’elle les réduit au rang d’objets et autres symboles méritant une journée entière dédiée à travers le globe (parmi lesquelles la journée des crêpes, la journée sans pantalon, la journée du tennis ou encore la journée de la plomberie)… Dans certains pays, la chose prend tellement d’ampleur que ce jour est même férié pour la gent féminine (cf. la Russie). M’enfin, chez nous, déjà qu’elles sont payées moins, alors si en plus on leur donne des congés sans solde…

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Ajoutez à cela les médias du monde entier qui ne peuvent s’empêcher de mettre leur doigt bien gras sur l’évènement. Histoire de bien crédibiliser la chose ; et en veux-tu en voilà des articles sur ces femmes qui façonnent le monde, ces femmes qui ci, ces femmes qui ça… Ces femmes qui se butent au quotidien mais dont le travail n’est salué qu’un jour en particulier, toutes en même temps, histoire de montrer une fois de plus qu’il est plus simple de tout mettre dans le même panier plutôt que de s’occuper des individualités.

On lisait donc – entre autres – ce vendredi 8 mars 2019, des titres tels que "Les femmes qui ont façonné la musique électronique" (Mixmag), "Journée internationale de la femme : 15 mixes inoubliables" (DJMag), "Les attachées de presse derrières les stars latines internationales" (Billboard), "Comment aider les femmes à la rue pour la journée internationale de la femme" (Dazed)… On est bien conscient de ne pas avoir cité la fine fleur du journalisme, tout en n’ayant pas la moindre prétention à ce sujet.

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Que nous disent ces titres ? Rien de bon. Rien du tout à vrai dire. Si ce n’est que visiblement, il vaut mieux aider les femmes dans le besoin le 8 mars, qu’on ne les oublie pas lorsqu’une journée précise est là pour nous rappeler leur existence – c’est plus facile de donner des conseils lors de leur journée mondiale que le reste du temps, tu comprends. C’est plus en rapport avec l’actualité, le moment présent ; le reste de l’année, les femmes ne sont pas vraiment d’actu’. Tout au plus un bon vieux marronnier.

Nous aussi, on pointe du doigt. Mais quitte à manquer de politesse, autant le faire avec justice, et non opportunisme. Si pas mal de médias ont quand même évité de mettre l’accent sur cette fraude internationale, on est loin de la majorité. Surtout lorsque l’on fait le parallèle avec le reste de l’année, où les articles de ce genre sont encore moins diffusés, sauf sur les sites spécialisés. Victimes comme le SIDA ou le Téléthon d’un simple rappel annuel. On attend encore l’arrivée des collectes d’argent et autre pour le 8 mars. « Si vous aussi, chez vous, vous souhaitez aider la femme, appelez-nous et faites un don. » Peut-être que d’ici-là, les gens percuteront que la sacralisation de ce genre n’a rien de gratifiant et qu’elle fait perdurer des traditions et comportements obsolètes. En attendant, on vous invite quand même à éviter d’offrir des fleurs à vos collègues une fois par an. Ne le faites jamais parce que vous êtes un vieux con, ou faites-le plus souvent parce qu’il n’y a pas un seul jour pour les femmes. Mais assumez-vous, putain... Assumez-vous.