Pablo Mira dit des choses contre de l’argent : l’interview

undefined 17 février 2020 undefined 09h54

Coralie Michard

Membre fondateur de Le Gorafi, chroniqueur sur Quotidien et France Inter, Pablo Mira, c’est avant tout un humoriste passionné qui sait faire rimer humour noir et blagues potaches. Le Bonbon Nice l’a constaté en live lors de son spectacle aux Arts d’Azur du Broc : « Pablo Mira dit des choses contre de l’argent » où il dresse, à travers un personnage plus détestable que jamais, une satire de la société franchement bien narrée. Par la même occasion, on a pu lui poser quelques questions : interview du petit ange de l’humour qu’on espère ne pas voir partir de nos radars trop tôt !

Entre 2017, le début du one-man-show et aujourd'hui, qu’est-ce qui a changé ?

Pablo Mira : « Artistiquement, sur le spectacle, le texte a évolué. On a viré des sketchs, retravaillé d’autres… Ce qui fait qu’aujourd’hui la version du spectacle colle avec l’écriture qu’apprécie le public qui me suit déjà sur France Inter ou sur Quotidien. A priori toutes les vannes font mouche, en tous cas auprès de mon public et c’est déjà la grande première évolution. Après, il y a un truc que j’avais pas du tout vu venir avec cette version plus aboutie du spectacle, c’est qu’à un moment je me suis posé la question : « Comment je vais m’amuser moi sur scène ? ». Ça a déclenché un espèce de truc au niveau du jeu, et de date en date, j’essaie d’explorer le jeu lié à mon personnage pour faire davantage vivre le texte. Évidemment, je suis plus à l’aise qu’au début, je cherche à attraper les rires par la gestuelle et non plus qu’avec le texte. »

Ça ne doit pas être ton genre, mais par curiosité, y a-t-il un ou plusieurs sujets sur le(s)quel(s) tu t’autocensures ?

P.M : « J’ai une ligne éditoriale qui est née à l’époque du Gorafi en 2012 et que je trouve plutôt maline. Cela ne concerne pas tant des sujets, thèmes, dossiers bien définis, mais c’est plus une ligne de conduite artistique. En gros, je ne vanne pas des gens qui sont victimes de quelque chose, un truc grave et pour lequel ils n’y peuvent rien ou n’ont rien fait. Du type : un accident d’avion, quelqu’un qui a perdu un enfant... Il y a des vannes qui sont possibles sur ça, mais pour moi ça n’a pas d’intérêt. Quoi qu'il en soit, ce n’est pas dans mon cahier des charges artistiques, donc je ne le fais pas. »

Dans le pitch de spectacle, il est écrit « Vous adorerez le détester ou vous détesterez l’adorer, au choix », peux-tu me dire :

Une chose que tu adores détester 

P.M: « Tous ces éditorialistes qui animent des débats qui n’ont aucun intérêt, qui sont assez irrationnels et qui me fatigue à longueur de temps. Eux me passionnent par leur folie, leurs excès. »

Une chose que tu détestes adorer 

P.M : « La pop des années 90, les Allan Theo, les Aqua, Willy Denzey, j’ai honte de dire aimer ces choses-là ! »

J’ai lu, promis ce n’est pas de moi, que "Pablo Mira dit des choses contre de l’argent", c’est le spectacle d’un, je cite : « Hobbit hargneux, radin et terriblement cruel » ; (c’est une critique positive en plus … NDLR). Selon toi qu’est ce qui qualifie le mieux ton personnage ?

P.M : « La base, l’ADN de ce personnage, c’est qu'il s'agit de quelqu’un qui est persuadé d’avoir raison sur tout, qui te fais la leçon pendant 1 h 30, mais à chaque fois qu’il veut prouver son point de vue, ses arguments le contredisent. Il est stupide, inculte ; j’ai essayé de le travailler en m’inspirant du personne d’Eric Cartman de South Park, que j’adore, dans lequel est combiné tous les défauts du monde. Mon personnage est un peu comme ça : défaitiste, xénophobe, radin, raciste… C’est un personnage qui a un raisonnement du type « coïncidence, je ne crois pas » ou pour reprendre une vanne « coïncidence, absolument » ! »

À ceux qui hésiteraient encore à venir te voir en spectacle, que le dirais-tu ? En gros, pourquoi il faut venir ?

P.M : « Si les gens ont envie de venir, qu’ils viennent, s’ils accrochent au style que j’ai développé sur Quotidien et France Inter, ils sont les bienvenus. L’humour, c’est comme n’importe quelle forme d’art, il y a plein de styles différents et tous les goûts sont dans la nature, je ne force personne à venir me voir. Après, le style, c’est vrai, reste quelque chose de très écrit, avec des vannes que j’ai pensé pour être très axées - humour noir - mais faites de telle façon que tu ne peux pas ne pas rire. Il y a un vrai effet de surprise et ça me fait franchement marrer de voir le public rire pour la blague mais aussi se dire « oh putain, il a lâché un super skud mais c’est drôle. J’ai honte de rire, mais c’est drôle ». »

Du coup, faire des blagues contre de l’argent, c’est rentable ou tu gardes tes autres tafs pour le plaisir ?

P.M: « Faire rire sur scène c’est rentable, je gagne bien ma vie, je l’a gagne moins qu’avec la télé, parce que la télé reste quand même une industrie où il y a de l’argent, mine de rien. Mais je garde mes autres activités parce que j’aime bien avoir des exercices différents ; il y a un truc que je fais, par exemple, et qui me rapporte quasiment pas d’argent, c’est : « en deux-deux », un format sur Youtube où je résume des faits d’actus, des carrières, des affaires, des choses comme ça. Je le fais vraiment pour le plaisir pur et ça marche bien et je m’amuse. Après, de toute évidence, la scène reste une expérience que j’aime tout particulièrement. Je ne suis pas expert en neuroscience, ni en biologie, mais ce que ça doit relâcher dans le cerveau en dopamine, en hormones, etc. Ça n’a aucun rapport avec le fait de faire une chronique de 5 minutes à la télé ou à la radio. J’ai l’impression de parler comme un mec qui a pris du LSD… Et puis j’ai la chance de remplir les salles avec des gens qui connaissent déjà mon univers, je n’ai plus qu’à les emmener toujours plus loin dans cet univers, je n’ai pas à me battre pour qu’ils me suivent et c’est genre tellement confortable, je peux vraiment en profiter. »

Mes questions ne sont certainement pas les meilleures, mais tu as dû en connaître des pires, est-ce que tu pourrais me citer la question la plus WTF jamais posé ?

P.M : « En toute sincérité, il n’y a pas eu de question où je me suis dit « non mais c’est n’importe quoi » au point où ça m’aurait marqué. En revanche, il y a une question qui est posée à tous les humoristes, que je qualifie de « question de l’enfer », c’est : « Peut-on rire de tout ? ». Je trouve qu’il n’y aura jamais de réponse absolue et parfaitement rationnelle à cette question-là. Je pense que tu tournes en rond si tu décides de te poser cette question. Je comprends pourquoi on se l’a pose, mais elle reste absurde pour moi.»

Attention pour terminer, petite question psychologie mag : loufoque, satirique, de mauvaise foi, haters des haters … Pablo Mira, qui es-tu ?

P.M : (Rire) « Je suis juste obsédé par les blagues, je pense à ça du matin au soir. Obsédé par l’humour et vouloir faire rire les gens, sur différents supports, que ce soit à la télé, radio, sur scène, à travers des podcasts sur Internet… Je suis vraiment profondément amoureux de cet Art, car je considère que l’humour, c’est un Art parce qu’il y a de la technique, de la création, etc. Et j’essaie vraiment de dédier mon temps et mon énergie à faire vivre cette discipline-là. »