Chez nous, en France, le pays du camembert et du calembour, les comédies on connaît, on gère, on sait faire. Les histoires d'amour dans la tradition ricaine, avec happy end et mariage pieds nus au bord de l'océan, moins, et quelque part tant mieux. Alors quand un film capable de nous émouvoir autant que de nous faire rire se pointe dans nos salles, on se doit de souligner la performance.
Nicolas Bedos a le chic de déchaîner les passions. Qu'on l'adore ou qu'on le haïsse, qu'on ait envie de lécher son beau visage ou de lui foutre la tête dans les chiottes, le comédien, scénariste, dialoguiste, chroniqueur et maintenant réalisateur, ne laisse en tout cas jamais indifférent. Son premier film se trouve être, à tout prendre, au pire plutôt réussi, au mieux une démonstration éclatante de son talent émergent de cinéaste.
L'histoire, c'est Sarah (Doria Tillier) qui la raconte à un jeune journaliste qui ambitionne d'écrire un livre sur son mari, Victor Adelman (Nicolas Bedos), le jour de l'enterrement de ce dernier. Devant nos yeux défilent alors les souvenirs de Sarah ; 45 ans d'un amour fou et irréversible, véritable canot de sauvetage balloté par les flots de l'Histoire, de la politique et de la vie maritale. Construit comme un roman, le storyboard empile les chapitres aux noms évocateurs de façon chronologique, de la rencontre du couple au Memphis - qualifié en passant de « boîte la plus ringarde de Paris », les Parisiens apprécieront - dans les années 70 à la mort de Victor de nos jours.
Le choix de la fresque historique donne l'occasion à Bedos de s'amuser avec les costumes et les décors, chaque décennie voyant reproduit avec entrain son lot de clichés esthétiques, mais également de jouer avec les codes sociaux et politiques de chaque époque, et ainsi, il faut bien le dire, de faire un tas d'excellentes vannes. Pour l'y aider, une galerie de personnages secondaires géniaux vient émailler le récit, Pierre Arditi, parfait en père de famille bourgeois, en tête. La scène du repas de Noël en famille est juste exceptionnelle, vous verrez.
Comme on pouvait s'y attendre connaissant l'animal, l'écriture et les dialogues du film frisent la perfection, quel que soit le registre employé. Tour à tour léger, méchant, érudit ou absurde, le couple Bedos-Tillier s'en donne à cœur joie, et ça fonctionne à merveille, la complicité est palpable, rendant les rires du public francs et surtout très fréquents. Ce qui surprend plus, c'est la maîtrise affichée dans la réalisation. Le film est admirablement rythmé, alternant avec malice entre l'hilarité et l'émotion, sans jamais sortir du cadre très référencé de la comédie romantique à visée intelectuelle.
On assiste au final à un film drôle, ambitieux et brillant, parfois un peu pompeux certes, mais qui ne manque pas d'une autodérision nécessaire et réelle. Nicolas Bedos réussit avec éclat là où nombre de ses acolytes (Beigbeder, Canet) se sont plantés, et fournit au genre de la comédie française, quelque peu moribond, une belle lueur d'espoir.
Monsieur et Madame Adelman, de Nicolas Bedos
Avec Nicolas Bedos, Doria Tillier, Pierre Arditi
En ce moment en salles