12-camillo-de-vito-nouveau-volcan-13-juillet-1831-

Ferdinandea, l’île éphémère vue par Clément Cogitore au Mucem

undefined undefined 5 décembre 2025 undefined 15h00

Maria Sumalla

Du 10 décembre 2025 au 20 septembre 2026, le Mucem consacre une exposition à l’étrange destin de Ferdinandea, l’île volcanique apparue puis engloutie en 1832 au large de la Sicile. Un vaste projet imaginé par l’artiste et philosophe Clément Cogitore, qui à travers une quarantaine d’œuvres et d'archives (films 16mm, vidéos, photos, arts graphiques, peintures et documents scientifiques, dont sept œuvres de l'artiste, jamais exposées en France et récemment acquises par le Mucem), retrace la brève existence de cette terre surgie de la mer et spécule sur sa possible réémergence. Face à la Méditerranée, le visiteur découvre alors une histoire où se mêlent réalité et mythes, croyances populaires, prémonitions, sciences et géopolitique, et où l’île fantôme devient le miroir de notre rapport au monde et des futurs possibles.


L’histoire d’une île éphémère

Entre la fin juin et la mi-juillet 1832, l’activité volcanique sous-marine de canal de Sicile, face à la Tunisie, provoque un phénomène inattendu : la naissance d’une nouvelle île en pleine Méditerranée. Les marins et habitants y voyaient un message monstrueux envoyé du ciel, les scientifiques et chercheurs de l’époque y ont trouvé un grand intérêt d’observation, tandis que les puissances européennes en pleine expansion coloniale y ont trouvé un nouveau lieu stratégique. De là est née une compétition des nations, entre la Grande-Bretagne, la France et le Royaume des Deux-Siciles, qui toutefois sera de très courte durée. Et pour cause : seulement six mois après son apparition, l’île replonge dans la mer Méditerranée, emportée sous les vagues. 

clément cogitore mucem« Île Giulia apparue le 18 juillet 1831 », planche IV extraite de Moderno Buffon, Italie, 1860. Lithographie sur papier, 15 × 23 cm. Bibliothèque centrale du Muséum national d’histoire naturelle, Paris, IC KR 366 ©Muséum national d'histoire naturelle, Paris

L’histoire fascinante d’une île qui sommeille à seulement quelques mètres de profondeur, et qui porte les multiples noms de sa convoitise. Nommée Ferdinandea par le Royaume des Deux-Siciles – en l’honneur du roi Ferdinand II de Bourbon – ou encore Julia par les Français – en référence à la Monarchie de Juillet –, elle est aujourd’hui surveillée de près par les sismologues. Car qui sait, peut-être qu’un jour, une nouvelle éruption pourrait faire resurgir celle qui a suscité tant de raffut géopolitique. 


Clément Cogitore, le parcours d’un artiste philosophe

Artiste, réalisateur et philosophe, Clément Cogitore vit et travaille entre Paris et Berlin. Après des études à l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg et au Fresnoy – Studio National des Arts Contemporains –, il développe une pratique à la croisée de l’art contemporain et du cinéma. Mêlant films, vidéos, installations et photographies, son travail questionne les modalités de cohabitation des hommes avec leurs images. Son travail est exposé et présenté au sein de prestigieuses institutions françaises et internationales, de biennales et de collections publiques et privées.

Aujourd’hui, l’artiste est reconnu à l’international. Il a été récompensé en 2011 par le Grand prix du Salon de Montrouge, avant de devenir pensionnaire de la prestigieuse Académie de France à Rome – Villa Médicis en 2012. Son premier long-métrage, Ni le ciel ni la terre, sélectionné à la Semaine de la Critique à Cannes, a été récompensé par le Prix de la Fondation Gan et nominé pour le César du meilleur premier film en 2015. La même année, il reçoit le Prix BAL pour la jeune création.

portrait artiste Clément CogitorePortrait de Clément Cogitore © Kenza Wadimoff

En 2016, il reçoit le Prix Sciences Po pour l’art contemporain et le Prix de la Fondation d’Entreprise Ricard pour l’art contemporain, suivi en 2018 du Prix Marcel Duchamp. Après un court-métrage très remarqué autour de l’opéra, Les Indes galantes de Rameau, il le met en scène à l’Opéra de Paris en 2019. Un projet qui a été mis en valeur dans le New York Times dans sa liste des dix meilleurs opéras de l’année, nominé meilleure production d’opéra par le Giornale della Musica, remporté le prix Forum Opéra de la meilleure production 2019 et obtenu le prix de la meilleure mise en scène en 2020 aux Oper! Awards. En 2022, son deuxième long-métrage, Goutte d’Or, est sélectionné à la Semaine de la Critique à Cannes, récompensé par le Prix du scénario – Hildegarde, le Prix de la meilleure réalisation au LEFFEST à Lisbonne et le prix d’interprétation au Hainan film festival. En 2023, le film est présélectionné pour représenter la France aux Oscars.


Ferdinandea vue par Clément Cogitore

C’est au détour d’une balade dans un bouquiniste à Palerme que Clément Cogitore découvre l’histoire fascinante de l’île. Tombé par hasard sur le livre de Salvatore Mazzarella, Dell’isola Ferdinandea e di altre cose, une quête de plus d’un an et demi, réalisée auprès du Madre, Musée d’Art contemporain Donnaregina de Naples, va naître dans l’esprit de l’artiste. C’est dans ce musée que l’exposition autour de Ferdinandea va voir le jour à l’été 2022, avec un grand panel d'œuvres et archives dévoilées. 

Trois ans plus tard, son travail prend ses quartiers sur un autre port majeur de la Méditerranée : Marseille. Face à la mer, au cœur des 320 m² du bâtiment Georges Henri Rivière du Mucem fort Saint-Jean, l’exposition Clement Cogitore : Ferdinandea, l’île éphémère, bénéficie du prêt de
nouvelles archives, d'une conception scénographique inédite et d'un catalogue d'exposition enrichi. Les sept œuvres de l’artiste, exposées pour la
première fois en France, ont été récemment acquises par le musée marseillais.

Cette entrée dans les collections, s’inscrit au cœur du projet scientifique et culturel du Mucem, premier musée consacré aux cultures de l'Europe et de la Méditerranée, permettant d'enrichir son patrimoine contemporain. L'acquisition entre en résonance avec l’exposition permanente Méditerranées. Inventions et représentations, qui explore la manière dont l’espace méditerranéen a été pensé, représenté et étudié par les musées européens d’art et d’ethnologie depuis la fin du XVIIIe siècle, notamment en lien avec les conquêtes coloniales. Avec Ferdinandea, Clément Cogitore propose un regard artistique et contemporain qui enrichit la réflexion post-coloniale et décoloniale du Mucem sur l’histoire des sciences et de ses collections.

clement cogitore mucemClément Cogitore. Ferdinandea : Vigilances, 2022. Vidéo 4K (photogramme), couleur, 13 min 27 s. Mucem, Marseille © Clément Cogitore

L’exposition spécule sur l’émergence, la chute et la possible réémergence du volcan, à travers divers films, vidéos et photographies documentaires comme fictionnelles, regroupant ainsi croyances populaires, documents d’archives, relevés scientifiques et cartographies. Au fil des pièces, Ferdinandea devient alors le miroir de différents rapports au monde et de futurs possibles. Une forme d’utopie et de dystopie immergée sous les eaux, révélant des questionnements politiques et impérialistes encore et toujours d’actualité. Une réflexion qui se prolonge à la sortie de l’exposition, le regard plongé dans la Méditerranée comme seul horizon et comme fabuleuse conclusion. 

Pour débuter cette exposition comme il se doit, le Mucem organise des portes ouvertes le 10 décembre de 16h à 21h, au cœur du bâtiment Georges Henri Rivière au fort Saint-Jean. L’expo sera en accès libre, accompagnée de musique et d’un espace de petite restauration signée Café du Fort. Des visites flash sont également proposées par les commissaires Kathryn Weir, Helia Paukner et Enguerrand Lascols, des sessions d’introduction à 16h, 17h et 19h30. Le petit plus ? Entre 18h et 19h vous pourrez également rencontrer Clément Cogitore en personne qui vous donne rendez-vous dans la salle de la place du dépôt, pour approfondir la découverte de ses œuvres et de son parcours, accompagnée des commissaires de l’exposition. L’occasion de se procurer également le catalogue de l’exposition, une coédition du Mucem et de l’Atelier EXB, avec des textes de Tristan Garcia (un texte inédit de l'écrivain), Enguerrand Lascols, Hélia Paukner et Kathryn Weir. 

Clément Cogitore : Ferdinandea, l’île éphémère
Mucem fort Saint-Jean
7, promenade Robert Laffont (esplanade du J4, Gisèle Halimi) 13002 Marseille
Du 10 décembre 2025 au 20 septembre 2026 
Portes ouvertes le 10 décembre 2025 de 16h à 21h

Plus d’infos et billetterie