Claret, opérateur quasi invisible dans le paysage ferroviaire, vient pourtant de sécuriser un accès privilégié au très convoité corridor Paris–Lyon. L’Autorité de régulation des transports a confirmé qu’un accord-cadre de capacité avait été signé entre SNCF Réseau et cette petite structure créée en 2021. Une nouvelle qui fait grincer quelques rails : décrocher des sillons sur la ligne la plus rentable de France n’est pas un exploit anodin. Et l’accord, signé en mars 2025 mais publié seulement en décembre, prouve que Claret avance en coulisses avec une précision chirurgicale.
Un opérateur minuscule… mais dirigé par du lourd
Derrière un capital ridicule (166 € !) se cachent deux poids lourds de l’industrie ferroviaire : Nicolas Petrovic et Olivier Desfontaines. Le premier a dirigé Eurostar pendant sa phase d’expansion et piloté l’arrivée des Velaro e320, avant d’aller fonder un opérateur national aux Émirats. Le second, ex-banquier spécialisé dans le financement d’actifs ferroviaires au Crédit Agricole CIB, connaît par cœur les rouages du matériel roulant. Ensemble, ils bâtissent un projet dont on ignore presque tout. Mais pour obtenir un accord-cadre, il faut fournir un dossier solide : plans de service, contacts avec investisseurs, garanties auprès de constructeurs… Claret n’est donc pas un mirage.
L’accord-cadre attribué à Claret s’inscrit dans un contexte où le Paris–Lyon devient une véritable cage de faraday ferroviaire. Entre SNCF, Trenitalia, Ilisto (Kevin Speed) et les nouveaux entrants, deux tiers de la capacité long terme sont déjà verrouillés. L’ART alerte : d’ici 2031, certaines plages horaires pourraient être intégralement attribuées. SNCF Réseau ajuste donc ses fenêtres de nuit et accélère la modernisation de la ligne pour passer de 13 à 16 trains par heure. La demande grimpe, la capacité suit – ou essaie de suivre.
Claret s’inscrit dans une libéralisation féroce et peu lucrative
L’arrivée annoncée de Claret renforce un marché où la concurrence est rude, les marges faibles et les investissements colossaux. Trenitalia perd encore de l’argent malgré un service acclamé. Velvet, mené par Rachel Picard, est pour l’instant le seul à avoir sécurisé financement et trains. Les autres naviguent entre levées de fonds, complexités techniques et ombre portée de la SNCF, bien décidée à protéger ses lignes les plus rentables. Pourtant, Claret, discret, méthodique et solidement piloté, semble avancer sans bruit. Et dans le ferroviaire, ceux qui murmurent sont souvent ceux qui finissent par faire du bruit.
Source : Railtech.be
