Border, un conte moderne et écologique fabuleux

undefined 25 janvier 2019 undefined 15h57

La Rédac'

C'est pour répondre aux interrogations enthousiastes d'une bonne partie de mes collègues que je me dirigeai clopin-clopant vers le cinéma le plus proche, à la découverte de ce qui s'annonçait comme « un film chelou », pour ne pas dire étrange ou bizarre. Voilà qui promettait au moins d'être intéressant. 


C'est vrai qu'en voyant la bande-annonce, il y a de quoi être interloqué. Ce qu'on en retient surtout, c'est qu'il semble s'agir d'une histoire d'amour entre deux êtres d'une laideur surprenante. Bien sûr, la surprise ici n'est pas conditionnée par l'aspect "histoire d'amour", mais bien par le fait que les héros ne soient pas beaux, pour donner dans l'euphémisme le plus pudique. Cela étant dit, le lecteur saura faire preuve d'un minimum d'indulgence, car après tout, on n'a pas trop l'habitude d'avoir à supporter cela, pauvres consommateurs aux normes esthétiques rigides que nous sommes. 

Border film critique

Mais résumer le film d'Ali Abbasi à sa dimension voyeuriste serait une énorme bêtise. En effet, il y a quelque chose d'infiniment romantique (et quand je dis romantique, je pense plus au courant littéraire du XIXe siècle qu'à de simples jeux de touche-pipi) dans les rapports qu'entretiennent nos deux héros. Mis à l'écart du monde commun en raison de leur laideur, ces deux êtres dotés de facultés surprenantes et qui possèdent une sensibilité extrême à tout ce qui touche à la nature, à la terre, sont irrémédiablement attirés l'un par l'autre. Ce sont en fait des trolls, ces êtres magiques présents dans la mythologie scandinave, et dont l'une des premières caractéristiques est une grande défiance envers les humains.

Border film critique

Dès lors, le récit bascule dans le conte, avec toute la dimension symbolique que cela peut comporter, et dévoile ainsi petit à petit une critique acerbe non pas de la société dans laquelle on évolue, mais de la nature humaine elle-même. La méchanceté dont font preuve les trolls à l'égard des humains se trouve alors justifiée par l'incapacité qu'ont ces derniers à faire le bien autour d'eux, et un inversement des rôles s'opère à mesure que le film avance. En sortant, on s'interroge sur le bien-fondé de notre jugement : peut-être que ce que nous trouvons beau, c'est laid, peut-être que ce que nous trouvons bien, c'est mal... 

Border film critique


Avec Border, Ali Abbasi livre une analyse passionnante sur notre monde et ses exclusions en l'abordant avec le regard de celui qui y vit à la marge. Cette histoire d'abord un peu étrange se transforme vite en un conte moderne dont le romantisme fabuleux donne à penser. Un trésor au pied d'un arc-en-ciel.