Le Redoutable, un hommage formel et comique à Godard qui sonne juste

undefined 13 septembre 2017 undefined 15h18

La Rédac'

« Mozart est mort à 35 ans. Les artistes devraient tous mourir à 35 ans, avant de devenir des vieux cons. » Cette phrase, prononcée par Godard à l'aube de ses 37 ans et par Garrel en ouverture du film, pourrait en constituer un parfait épigraphe. Dans Le Redoutable, Michel Hazanavicius s'applique ainsi à nous montrer que Jean-Luc Godard, au sommet de sa carrière, était un "sacré numéro", et le fait avec un certain brio. 


Comme on le voit de plus en plus souvent ces dernières années au cinéma, le format utilisé est celui de ce qu'on pourrait appeler un "biopic partiel" : l'attention n'est portée que sur une courte période de la vie du personnage principal, ici Jean-Luc Godard entre 1967 et 1968. Tout ça démarre donc avec la rencontre entre Godard et Anne Wiazemsky, une jeune étudiante de 18 ans, narratrice de notre histoire et actrice principale de La Chinoise. Qu'on nous permette ici de dire brièvement un mot indispensable sur son interprète, Stacy Martin, femme-enfant d'une beauté indécente qui confirme tout le bien qu'on en avait pensé dans Nymph()maniac où déjà, son pouvoir érotique à la limite du cabotinage nous donnait le souffle court ; très convaincante, elle compose une muse et compagne tour à tour subjuguée et dégoûtée par un Louis Garrel qui, décidément, n'en finit pas d'éclabousser de son talent le paysage cinématographique français. 

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Ceci étant dit, il faut conserver au réalisateur de La Classe américaine tout le mérite qui lui revient... mais pas trop non plus, car si Le Redoutable est réussi, car il l'est, c'est en grande partie dû au parti pris de ce dernier de caricaturer, voire carrément de copier le style de son illuste héros. Ainsi, l'on reconnaît aisément tout au long du métrage aussi bien les clins d'œil appuyés aux procédés novateurs qui ont fait le succès du cinéma de Godard (montage, utilisation des couleurs, références artistiques, film dans le film, regards caméra et j'en passe) que la caricature parfois simpliste d'un personnage brillant, drôle et fantasque (citations d'auteurs, jeux de mots, tendance au sophisme). Hazanivicius s'approprie donc à tel point Godard qu'il fait de son film un hommage formel évident à ce dernier. Il est dès lors facile d'en apprécier l'intention, mais facile aussi d'y voir un certain manque d'audace. 

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Heureusement, cette propension trop importante à la facilité est rattrapée par la surprenante portée sociologique du film. Si Godard en est le tributaire formel, cette partie de son histoire personnelle fait passer un message qui dépasse le simple hommage filmique. Car si Hazanavicius nous raconte Godard - par le truchement de sa jeune femme -, c'est surtout le rapport de l'artiste avec ses contemporains qui fait la matière du film. Comment sa volonté de se distinguer, d'inventer constamment, se heurte à son désir tout aussi fort de s'identifier avec la jeunesse révolutionnaire. Comment le génie visionnaire et amusant se transforme en sympathisant obsessif d'une cause qui n'est, depuis longtemps, plus la sienne. Comment les théories politiques qu'il défend deviennent incompatibles avec sa vision du cinéma, et surtout comment il finit par gonfler tout le monde.

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En donnant à son Redoutable une dimension comique et presque absurde, Michel Hazanavicius renoue avec ce qu'il fait de mieux et délivre un film drôle, touchant et intelligent tout en conservant au mythe Godard tout son prestige. Les cinéphiles joueront à déceler toutes les références au maître de la Nouvelle Vague et les autres s'amuseront de ce personnage brillant mais torturé qui ne cesse de casser ses lunettes. Une posture consensuelle que Godard lui-même n'aura jamais réussi à atteindre... 


Le Redoutable
, de Miche Hazanavicius

Avec Louis Garrel, Stacy Martin
Actuellement en salles