L\'art d\'esquiver les discussions politiques en soirée

undefined 25 avril 2017 undefined 00h00

La Rédac'

La soirée commençait à devenir agréable et les doléances des uns et des autres concernant leur passionnant quotidien d’esclave du capitalisme te suffisaient. C’était sans compter sur l’increvable patriote tout terrain qui ne rôde jamais loin, réussissant chaque fois à dévier politique, particulièrement lorsque la discussion ne s’y prête pas. Pour celui-là, on t’a déjà expliqué comment lui mettre un vent. Mais oh ! L’Enfer… Cette saison, ils sont partout, pullulent de tous côtés et n’ont qu’une chose à la bouche : les présidentielles, l’avenir du monde libre. Alors, à défaut de rester prostré chez toi en PLS jusqu’à ce que ça se tasse, voilà quelques astuces pour esquiver tout ce bla-bla passionné.  


Ne pas se prendre un kick par surprise, c’est avoir le nez fin. Aussi, le meilleur moyen de ne pas avoir à exposer un quelconque avis de sciencepiste demeuré, c’est d’éviter ceux dont c’est la passion. Toute personne connue pour brandir à tout-va son éthique à deux balles comme pour décrier le prix anormalement élevé du PQ bio devra passer à la trappe. Eux, ainsi que tous ceux qui adorent parler fort avec leurs mains, ou encore ceux qui passent leurs journées à partager et commenter des articles foireux sur les internets tout en étalant leur avis en statuts Facebook, à tout ce petit monde, ciao. Pars en courant, ce sera trop tard après.

Bien souvent, les politolol de comptoir sont malins. Ils t’attendent, tapis dans l’ombre, prêts à saisir une intonation fortuite, une tournure de phrase ouverte, tout ce qui constitue une main tendue à la dérive idéo-alcoolisée. C’est à ces moments-là qu’il faut redoubler d’attention. Fais en sorte d’orienter la discussion, ne laisse jamais de blanc, pars si tu n’as plus rien à dire. Il faut, à tout moment, fermer la porte avant que le sujet des présidentielles ne s’engouffre dans la brèche. Parle de ton chien, de ton chat, de ta voisine la vieille relou et de ton addiction au fromage qui pue. Jamais, ô grand jamais, tu ne devras parler de sujets de société, de ton futur incertain en tant qu’artiste plasticien spécialisé en lolcat ou de tes déboires avec la CAF. T’auras l’air d’une coquille vide, certes, mais au moins, tu auras l’esprit tranquille. 

On serait tenté de penser qu’annoncer la couleur dès le départ pourrait en décourager plus d’un. « Ah ! J’en ai marre de toutes ces discussions politiques, de toute manière je m’en fous. » Eh bien, c’est une grave erreur. En avançant cet exact argument, tu déclenches le débat politique dont il est le plus dur de sortir : les cons qui votent versus les cons qui ne votent pas B2B les cons qui prétendent ne pas avoir de convictions politiques versus les cons qui veulent absolument leur prouver le contraire et, par la même occasion, les rallier à leur cause. Un vrai cauchemar.

Malgré tout tes efforts, te voilà pris dans un tumulte nauséabond de déjà vu déjà dit. Tu les as repoussées de tes dernières forces mais les présidentielles viennent tout de même de te gicler sur le coin de la gueule. Bim bam boum, va falloir dire quelque chose, maintenant. Et comme tout le monde est désormais bourré, on t’attend au tournant.

S’offrent alors à toi plusieurs alternatives : la première, c’est de proposer cordialement à tout le monde de leur reprendre un verre, histoire qu’ils n’aient pas la bouche sèche à force d’arguments caduques et de conneries préconçues. Te laissant ainsi le loisir de partir à tout jamais de ce guet-apens. La seconde, c’est de faire croire que tu n’es pas d’origine française, de t’inventer un papa suisse et une maman luxembourgeoise, de peur de les orienter vers d’autres discussions haletantes concernant le désarroi géopolitique global. La troisième, c’est de crier. Très fort, très très fort. Interloqué, plus personne n’osera dire mot. C’est particulièrement efficace, crois-moi.

Si, cependant, tu ne veux pas qu’on te prenne pour un fou, tu peux tousser, prétexter un malaise puis t’écarter. Auquel cas, le faux coup de téléphone ou encore le coup de la retrouvaille inespérée avec truc-truc à l’autre bout de la pièce peuvent te donner le change. Tous les moyens sont bons pour esquiver un énième débat politique. 

Tenter de répondre n’est d’aucun usage. Sache que si tu cherches à étouffer l’échange d’idées avant qu’il ne prenne trop de place à l’aide d’arguments logiques et irréfutables type « c’est de la merde votre débat », tu n’en seras qu’un moteur de plus. En soirée, personne n’aura jamais raison et c’est à celui qui crie le plus fort.

Nous n'avons pour l’instant pas trouvé de solution quant à la situation où la personne qui t’enlise dans une longue diatribe politique est un date ou une simple target. Tes hormones te poussant toujours à subir cette parenthèse de torpeur quitte à parfois y trouver une saveur particulière. Mon meilleur conseil pour esquiver les débats, en cette trouble période électorale, sera donc celui-ci : crée une ligue anti-débat avec laquelle tu pourras débattre de l’anti-débat lorsque tu seras de sortie et qu’il y aura des débats.

Bonne soirée.