Réforme des APL : comment ce changement brutal a plongé les jeunes dans la précarité 

undefined 15 juin 2021 undefined 16h27

Morgane Espagnet

La nouvelle méthode de calcul des APL, désormais basée sur les douze derniers mois, amène à de très fortes baisses et fragilise encore les plus précaires. Votée dans la loi de finances de 2019, elle a démarré début janvier 2021 et concerne quelques 6 millions d’allocataires. Un changement rapide et brutal qui doit rapporter 750 millions d’euros d’économies aux Finances publiques cette année. 

 
Victimes de la réforme : les jeunes actifs·ves

Le profil des perdant·e·s ? Un·e jeune âgé·e entre 15 et 30 ans, en activité (CDD, intérim, temps partiel, auto-entreprenariat) et qui gagne entre 800 et 1 300€ par mois. « Je suis passé de 300€ d’APL par mois à 0€ du jour au lendemain, témoigne Sasha, un jeune salarié de 23 ans. J’ai alors contacté la CAF pour avoir des explications. On m’a informé que le calcul de mes revenus sur les douze derniers mois étaient supérieurs au smic et que par conséquent, je n’avais plus le droit aux aides. J’ai trouvé ça injuste. » Pourtant embauché en CDI, Sasha doit désormais calculer minutieusement ses dépenses. « Une fois le loyer déduit de mon salaire, il ne me reste plus que 400€ pour vivre, payer mes factures et faire mes courses. »

 
Compter chaque centime 

Comme des millions de bénéficiaires, Alix, qui gagne 1 400€ net par mois, se retrouve dans une situation précaire. « Je suis en colère, j’ai perdu 275€ d’aide aux logements alors que mon loyer est de 950€. J’ai une boule au ventre quand je pense à l’argent ou à l’avenir parce que c’est impossible de mettre de l’argent de côté. Je n’ai eu d’autres choix que de demander de l’argent à mes parents. » Sans les APL, de nombreux jeunes salarié·e·s se retrouvent en situation de précarité, sans possibilité (ni envie) de déménager. « Je ne peux plus sortir avec des ami·e·s, aller au restaurant ou au ciné. Les seules dépenses sont désormais réservées à l’alimentation et aux factures mensuelles », explique Louis, en CDD depuis 5 mois. 

 
Une baisse chez 39% des locataires

Selon une étude de l’Union nationale pour l’habitat des jeunes, la réforme a engendré de fortes pertes pour eux. Menée sur un échantillon de 4 000 personnes logées dans des résidences, elle a démontré une baisse chez 39% des locataires, alors que 28% seulement auraient vu leurs aides diminuées avec l’ancien système. Même constat pour l’étude de l’Union professionnelle du logement adapté qui regroupe 140 000 logements. Sur 27 500 foyers, la part d’allocataires des APL est passée de 53% à 48% entre avril 2020 et avril 2021. Le montant moyen de l’aide a également diminué de 7% de 265€ par mois à 247€ avec une baisse qui atteint même 10% chez les jeunes.

 
L’incompréhension 

« Ce qui m’agace c’est que l’aide aux logements est censée être calculée en fonction du prix du logement, alors que la réforme se base principalement sur le revenu. Ils ne font pas le calcul au prorata entre ce que l’on gagne et ce que l’on dépense pour notre appartement, alors que les prix des loyers sont très élevés à Paris » ajoute Sasha. Face aux attaques, la députée Khattabi se défend : « On n’a pas du tout changé notre mode de calcul. Si des gens ont vu leurs aides baisser, c’est car leurs revenus ont augmenté au cours des douze derniers mois. » Et il y a bien des gagnant·e·s dans l’histoire : selon nos confrères du Parisien, Dylan, 26 ans, a vu son APL augmenter en janvier 2021. Locataire d’un appartement à 400€, il a vu le versement des aides passer de 40€ à 120€. « Parce que j’ai démissionné de mon poste en restauration rapide début 2020 pour chercher du boulot dans mon domaine, j’ai fait quelques missions d’intérim, travaillé quelques dimanches, mais j’ai moins gagné d’en 2019, explique-t-il. Désormais je peux mettre un peu d’argent de côté. » Alors réforme utile ou véritable injustice ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que les tensions ne sont pas prêtes de s'apaiser


*Tous les prénoms ont été modifiés.