Un grand procès de la télé-réalité se tiendra dans la plus prestigieuse école de France cet hiver

undefined 14 novembre 2019 undefined 16h29

Manon Merrien-Joly

Ayo les fratés ! Si cette phrase vous fait frémir de plaisir ou d'horreur, l'événement qui suit pourrait vous intéresser : le 20 décembre prochain se tiendra le Procès de la télé-réalité, un concours d'éloquence qui se déroulera à l'amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne, aka le plus grand de la prestigieuse université. 

Amateurs et détracteurs s'affronteront donc sans merci autour d'une question finale : "la télé-réalité mérite-t-elle d'être à l'antenne ?" avec, des thèmes tels que : "Être candidate de télé-réalité et enceinte, business ou accident de travail ?", "La chirurgie esthétique, un passage obligé pour percer ?" ou encore "Secret Story doit t-elle faire son come-back ?"Deux équipes étudiantes d'orateurs et d'oratrices de talent s'affronteront tour à tour pour fustiger ou défendre la télé-réalité sous les yeux d'un jury composé de candidats célèbres, d’avocats charismatiques et d’universitaires. Fascinés par cette initiative de goûts, on a reçu Juliette Ray et Tom Michel, les deux comparses à l'initiative du concours.


Le Bonbon : Salut les gars, vous pouvez vous présenter mutuellement ? 

Tom Michel : Juliette Ray, 20 ans, connue pour sa participation à l’émission Le Grand Oral sur France 2, elle est étudiante en droit et gestion, ce qui fait d’elle une fille très ennuyeuse mais moins pénible que ce que ces études laissent penser (il se marre). Elle est très éloquente, parce qu’elle a gagné la plupart des concours d’éloquence auxquels elle a participé. J’ai la chance de participer avec elle à l’élaboration et à la présentation du procès de la Télé-Réalité le 20 décembre.


Juliette Ray : Tom Michel sur ma gauche, de 6 ans mon ainé, futur grand avocat, future grande star du milieu juridique, étudiant avant en droit-philosophie, grand lauréat du concours international de Paris 1, cofondateur de la start-up traits d’esprits, un homme à plusieurs casquettes, à plusieurs palettes, un homme complet en somme ! 


Comment vous est venue l'idée ? Pourquoi le procès de la télé-réalité ?

Tom : On fait des études dans le droit, la gestion, la littérature qui sont des sciences dures, on a du mal à parler de télé-réalité au premier abord, même si on s’aperçoit que plus d’un million de français regardent la télé-réalité et principalement des jeunes. Quand vous parlez avec d’autres étudiants vous vous rendez compte que tous regardent, mais tous n’assument pas. On voulait faire entrer la télé-réalité dans le monde universitaire, dont il est justement absent avec des questions : est-ce que c’est fun ou pas ? Est-ce qu’il faut continuer à en diffuser ? Est-ce que c’est dangereux ? En bref, faire entrer dans le milieu universitaire ce sujet de la télé-réalité qui en est très éloigné.

Juliette : Ce qui nous a motivés avec Tom, c’est qu’on est des amateurs de télé-réalité dans le sens où on le regarde donc on pratique d’une certaine façon, on a voulu mêler cette passion pour l’art oratoire et qui nous fait totalement vibrer et ce côté drôle de la télé-réalité, ainsi que tous les clichés qui s’ensuivent. Le but est de montrer qu’au fond, clichés mis à part, il y a la réalité des choses humaines, vivantes qui se passent. On a surtout voulu mêler ces deux côtés-là, traiter un côté un peu bancal, ce côté absurde, dans un des plus beaux amphithéâtres de La Sorbonne. 

Tom : ce qui est intéressant c’est ce paradoxe dans la télé-réalité, les assassinats à la langue française que l’on peut voir, nous on va essayer de rétablir un peu cette belle langue française, cette belle culture dans le monde de la télé-réalité le 20 décembre.


Vous êtes amateurs de télé-réalité à la base, donc ? Avez-vous essayé de décortiquer cet intérêt pour le comprendre ?

Tom : au fond, la télé-réalité, ce sont des jeunes gens plutôt beaux, qui vont avoir des histoires d’amour dans une maison incroyable à l’étranger. Quand on regarde, il n’y a pas de jugement à avoir, ce n’est pas moins bien qu’une série télévisée qui actuellement fait vraiment l’unanimité, rien ne dit que la télé-réalité est moins bien qu’un film, une série parce que ce sont des choses qui nous concernent. On a parfois des histoires d’amour un peu compliquées, destructrices, on se remet, on se déchire. En fait, la télé-réalité, c’est vraiment le microcosme de ce qu’une partie de la jeunesse vit.

Juliette : Il y a tout un paradoxe en comparaison avec les séries et les acteurs. Aujourd’hui, il y a cette question « est-ce que la télé-réalité c’est joué ? » Justement, est-ce la réalité au sens propre du terme ? Je pense que ce qui est intéressant en regardant la télé-réalité c’est de voir qu’on nous laisse dans l’illusion possible que ce qui se passe en face de nous c’est vrai, ça pourrait être moi, Tom, le public qui viendra le 20 décembre… L’avantage de la télé-réalité, c’est qu’on nous laisse imaginer que c’est la réalité et que du coup on peut s’y projeter, à l’inverse du cinéma et des séries, c’est beaucoup plus pratique de s’y projeter.


Tom : C’est un peu le Truman show :  on peut suivre les candidats, à travers notamment les réseaux sociaux ou internet, on peut suivre leur vie en temps réel. Certains on des enfants, on peut les suivre, ils sont rentrés dans nos vies et on a l’impression que ce sont nos amis, on a l’impression de les connaitre, cette véritable évolution de vie, qui sait si un Julien Tanti on ne le suivra pas jusqu’à leur retraite ? Ce sont des gens qui sont entrés dans nos vies, et qui nous intéressent. On a l’impression d’avoir le choix dans leur vie à eux, et une réelle importance.

Juliette : il y a une proximité avec les candidats de télé-réalité qu’il n’y a peut-être pas avec les chanteurs, les acteurs, les « vraies » stars, ce qui a réussi, pour la télé-réalité, c’est de donner cette proximité avec le public, nous faire sentir qu’on peut être proche d’eux, vivre les mêmes choses qu’eux.

Tom : Au fond, n’importe qui peut devenir une star de télé-réalité. Pour être chanteur, acteur, il faut un talent en particulier. Pour la télé-réalité, il faut être « soi-même » et dès qu’on a une personnalité créative, intéressante, on peut faire de la réalité. Il n’y a rien de plus intéressant que les choses qu’on pourrait faire plus tard.


Ca va faire 20 ans que la TV réalité a débarqué en France, très discrète voire inexistante dans les universités françaises. Pourquoi ça vient que maintenant ? Est-ce que l’université est enfin prête à faire entrer ces programmes ?

Juliette : C’est surtout l’éloquence, et cette nouveauté de l’art oratoire, ce qu’il s’est passé avec « à voix haute », le film avec Camélia Jordan et Daniel Auteuil, avec toutes ces associations d’éloquences qui se sont multipliées, on a beaucoup plus pu aborder des sujets qu’on abordait pas avant comme l’euthanasie et la prostitution à l’université. Ce sont toutes ces associations, c’est l’art oratoire qui nous a permis de faire pénétrer le débat à l’université.

Tom :  l’université doit être en corrélation avec son époque. Il y a certaines années, il n’y aurait pas eu certains cours à l’université, comme il y a actuellement des cours qui ne seront plus présents dans 10, 20, 30 ans. Moi par exemple j’ai suivi des cours de philosophie à Paris 1 Panthéon Sorbonne, il y a une professeure de philosophie, Sandra Logier, qui fait un séminaire depuis deux, trois ans sur la philosophie des séries TV. A l’époque, on l’a prise pour une folle furieuse et maintenant c’est un des séminaires les plus importants de ce département-là et elle a sorti un livre sur ce sujet.


Une professeure de business et marketing à l'université américaine de San José s'appuie sur la télé-réalité pour enseigner les formes de communication, les business plans et les stratégies de communication. Et vous, qu'est-ce qu'elle vous a appris ?

Tom : J’ai appris de Kevin et Carla : rien n’est jamais foutu dans un couple, on peut toujours se rabibocher ! Plus sérieusement, il y a des émissions plus intéressantes et intelligentes que d’autres. Par exemple on aura Cyril de Koh-Lanta dans le jury du procès, c’est quelqu’un qui a sû faire preuve d’une certaine stratégie pour se faire aimer des autres alors qu’il était seul et c’est en ce sens qu’il y a une forme de technique, de stratégie de communication et de pouvoir dans ce jeu-là. Par contre, c’est vrai que dans les Princes et les Princesses de l’Amour, on apprend peut-être moins de choses applicables à l’université. Il y a certaines émissions qui sont utiles dans la vie de tous les jours !

Juliette : par rapport à Koh-Lanta, c’est une émission de télé-réalité controversée dans le sens où un coup on dit que c’est une télé-réalité, un coup on le reconnait pas. Au-delà de la stratégie ce sont des histoires personnelles, comme le fait de se surpasser : il y a une multitude d’histoires personnelles, dans les télé-réalités, qui sont ramenées à la lumière, on peut se dire « comment il/elle réagit, je m’y retrouve énormément » et ces personnes-là peuvent être tellement communes, n’avoir aucun talent en particulier. Elles sont juste venues avec leurs histoires. Alors certes il y en a qui sont plus féériques, plus intéressantes, plus époustouflantes que d’autres, mais c’est ça avant tout de voir la multitude, la variété de gens et voir à quel point on peut mettre en scène et sous les feux des projecteurs des gens qui n’étaient pas du tout prédits pour y aller.

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Tom : tout dépend de ce que vous appelez de la télé-réalité. Pour certains, Top Chef c’est de la télé-réalité, et pour le coup vous apprenez des choses. Il y a quelques années, il y avait une émission sur le même principe sur France 2 je crois, où l’on apprenait des choses sur la peinture, des techniques, on voyait aussi les peintres dans d’autres moments de vie. Il y a des télé-réalités qui sont centrées sur un sujet et là vous apprenez des choses intéressantes, des savoir-faire uniques.

Juliette : Il y a aussi eu beaucoup de grosses bourdes qui ont été faites sur les guerres, sur l’histoire, sur la géographie, on se dit que c’est vraiment l’erreur à ne pas faire.

Tom : la télé-réalité, c’est vraiment l’anti-bescherelle !


Vous pouvez nous parler du jury du 20 décembre ? Des orateurs ?

Juliette : on a commencé par demander à Jérémy Assous, grand avocat en droit des affaires, droit pénal et droit du travail qui a reconnu que les candidats de télé-réalité étaient des salariés comme tout le monde et devaient du coup avoir un contrat de travail. C’est aussi lui qui a défendu plein d’histoires qui ont pu se passer notamment à Koh Lanta, il est connu pour ses engagements dans la télé-réalité. On a aussi rencontré Cyril de Koh Lanta, qui a accepté de faire partie de notre jury.

Tom : le but du jury c’est d’avoir un mélange de candidats et d’universitaires ou de personnalités plus « intellectuelles » autour de ce sujet de société. On ne veut pas encore dévoiler les grands noms de la télé-réalité qui viendront, mais on est en discussion avec les personnages les plus connus, que ce soit des Marseillais ou d’autres émissions. On est en train de calibrer ce jury, on attend notamment un très, très grand nom de la télé-réalité qui viendra et aussi un professeur de droit. Concernant les orateurs, on a lancé un casting : le but était d’avoir le plus de personnes pouvant parler devant une foule de 600 personnes dans le plus grand amphithéâtre de La Sorbonne autour de ce sujet : des gens qui aiment la télé-réalité mais des gens qui la détestent, pour pouvoir avoir un vrai panorama de ce qu’on pense. Ce sont des étudiants qui vont de 19 à 28 ans. On a plus de 90/100 personnes qui vont passer les sélections.

Juliette : Pour vous donner quelques sujets, on a « doit-on tout filmer ? », « l’infidélité est-elle à mettre sur son CV ? » « doit-on aller sur l’ile de la Tentation ? »

Tom : on fait des sélections sur trois jours, on sélectionnera huit personnes pour parler de ce sujet-là.

Juliette : notre volonté première est qu’il faut qu’il y ait ce côté très pratique de la télé-réalité, qu’on ait des candidats qu’ils l’aient vécue et qui puissent la raconter, mais aussi des avocats, des universitaires, qui ont cette approche théorique. Donc une approche à la fois très fun et très sérieuse pour parler d’un sujet qui n’est pas que du fun, que des rires, que de l’anti-bescherelle, c’est un vrai sujet de société - télé-réalité = vie réelle ou télé poubelle ?

Tom : on a conçu ça un peu comme une émission de Thierry Ardisson, avec une alternance entre des moments de réflexion pure et des moments beaucoup plus fun. Le but c’est de s’amuser, de s’instruire, mais surtout de passer un très bon moment.

Le procès de la télé-réalité
Amphithéâtre Richelieu
Place de la Sorbonne - 5e
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